Dans Wassup Rockers, Larry Clarke documente à nouveau le quotidien des jeunes américains. Cette fois-ci, les Latinos sont au centre de son attention.
Les films de Larry Clarke ont tous des éléments en commun: les images sont belles, les histoires semblent excitantes, mais ne font en fin de compte que relater la vacuité du quotidien. Du coup, ceux qui s’attendaient à être divertis en sortent déçus. Car tous les films connus de Clarke, qu’il s’agisse de Kids, Bully ou Ken Park, ne sont rien d’autre qu’autant de miroirs tendus à une société vivant sa propre identité virtuelle. Dans Wassup Rockers, une bande de jeunes Latinos issus du ghetto de Los Angeles, le South Central District, des potes skateurs qui ont monté un groupe de punk, traversent l’enfer de Beverly Hills, et s’en sortent après avoir perdu un des leurs.
Chez eux dans la jungle urbaine, le quotidien est rhytmé par les fusillades, la drogue et la pauvreté. Rien de plus normal qu’une jeunesse en révolte contre la police raciste, les bandits véreux et le reste de cette société où les seuls liens qui comptent sont ceux de la famille. L’aspect le plus intéressant des films de Clarke est celui des identités choisies par les jeunes pour donner corps à leur révolte. Loin de s’identifier à leurs racines historiques ou éthniques, la bande de Latinos de Wassup Rockers, s’est choisie l’idéologie et le look punk. Jeans moulants, cheveux longs et vestes de cuir servent de codes pour marquer les différences dans un univers où un faux accessoire, un faux geste, peuvent entraî ner des sanctions brutales. South Central est un territoire soumis à la loi tribale. S’y affrontent rockers latinos et rappeurs noirs, skateurs white trash et autres. Tous sont reconnaissables aux vêtements qu’ils portent, aux termes dont ils font usage. En fait, ils n’existent qu’à travers leurs appartenances à telle ou telle tribu.
Dans Wassup Rockers, Clarke laisse exploser cette triste réalité en confrontant le ghetto des pauvres à celui des riches, Beverly Hills. Dans ce monde qu’ils ne connaissent que des séries télé, la bande se voit tour à tour aimée ou haï e par ceux sur qui ils tombent. Les jeunes filles riches craquent pour ces aventuriers qui viennent d’un endroit où elles ne mettront sûrement jamais les pieds, pourtant à trente minutes en bus de chez elles. Mais leurs boyfriends n’ont d’autre chose en tête que de les rosser, par peur – avérée – d’une concurrence déloyale. Même scénario lorsqu’ils font irruption dans une garden party chic: au lieu de se faire jeter, ils font impression sur ces créatifs hollywoodiens. L’un d’eux se voit même proposer une carrière de mannequin contre des services sexuels.
Ce n’est qu’après l’un d’eux se soit fait descendre par un habitant de Beverly Hills qu’ils commmencent à retrouver leurs répaires dans Beverly Hills. Ceux-ci passent par la solidarité insoupçonnée des nurses et femmes de ménage latinas, qui s’organisent pour les renvoyer au ghetto, la police étant à leurs trousses et le quartier chic sous bouclage total.
En somme, le film ne transporte pas de vrai message, il ne milite pas pour un monde meilleur. Wassup Rockers nous montre la société américaine telle qu’elle est: une masse de gens soumis à des lois superficielles, en éternelle quête d’eux-mêmes. On pourra penser à ce film en apercevant des jeunes uniformisés en fringues de marque, mais aussi en mettant en question sa propre façon de voir et de vouloir être vu.