FESTIVAL DU FILM SOCIAL: La caméra: un outil de réinsertion sociale?

Une „réflexion sur la contribution du cinéma au débat social“ en forme de „Festival du film social“, c’est quoi exactement? Interview avec Christophe Lepicard de „Co-labor“.

Pourquoi „Co-labor“ a choisi le cinéma comme moyen de sensibilisation?

Christophe Lepicard: On s’est dit tout simplement que le cinéma est un outil médiatique intéressant. Il permet d’ouvrir le monde clos de l’exclusion sociale au grand public, de montrer ce qui se passe dans le monde. Quand je dis „dans le monde“, cela signifie dans le quartier d’à côté, au pays de Galles, tout comme au Nicaragua. Les problèmes se répètent et les films choisis le montrent. A „Co-labor“, on travaille avec des gens sortant de prison. A ce niveau, un film comme „L’île des enfants perdus“, qui parle de jeunes détenus d’un pénitencier du Nicaragua, montre aussi que les problèmes se ressemblent d’un bout à l’autre de la terre.

Ce „Festival du film social“, part-il donc de l’idée que le cinéma a le pouvoir de changer les choses?

C’est une double question. Il est vrai qu’on ne voit le cinéma pas uniquement comme outil médiatique, mais qu’on se pose aussi la question, par exemple, si la caméra-vidéo ne pourrait pas être un outil de réinsertion? C’est le thème du débat de la deuxième journée du festival. Je trouve qu’il est difficile de répondre à cette question. Je ne suis pas un professionnel du cinéma. En tout cas on se pose la question.

Je prends l’exemple de Gabriel Gonnet, qui sera présent et qui travaille dans le cadre de l’atelier „La Cathode“. Le but de cet atelier est de mettre l’outil vidéo dans les mains de personnes vivant dans des quartiers défavorisés. C’est là une personne qui saura sans doute donner une réponse. D’ailleurs, „La Cathode“ sera aussi représentée par deux films et ses réalisateurs. C’est là des gens pour qui le cinéma a certainement changé des choses, du moins au niveau de leur vie à eux.

De plus, un projet pareil et les gens qui y travaillent n’apparaissent pas d’habitude. Le cinéma a cette image d’inaccessible – avec ses stars, etc. – pour le public. Et nous, on veut briser un peu cette barrière. Aussi quelqu’un comme Robert Biver, réalisateur de „SDF Go Home!“, veut faire justement ça, briser les barrières.

Tout de même, le débat sur l’approche du cinéma par rapport à la réalité sociale est un débat souvent théorique, un débat d’intellectuel-le-s du cinéma. Le festival ne risque-t-il pas de passer au-dessus des têtes, surtout de celles des gens dont il veut parler, les personnes défavorisées?

Je pense justement que c’est à tort qu’on laisse cette discussion aux spécialistes, surtout aux spécialistes du cinéma. L’idée qu’on avait était de favoriser la rencontre entre les gens du cinéma, les travailleurs sociaux et les politiques. C’est là un échange intéressant. Un réalisateur qui fait un film sur les conditions de vie des défavorisés sociaux s’imprègne dans ce milieu le temps d’un film. Mais ce n’est là que le temps d’un film. Ce n’est pas toute une vie de travail. Il y a là une différence. Et puis, les gens ont aussi leurs choses à dire, ce que montre également des films comme „Inspirez, expirez“, etc.

Je pense que l’erreur qui a été faite lors de la soirée SDF à la Rotonde, c’est d’inviter des laissés-pour-compte et de ne leur donner la parole à aucun moment. Je ne veux pas faire de la démagogie. Je ne dis pas que le but de festival est de donner la parole à ces gens. Mais on leur en donne l’occasion. Des personnes qui viennent de milieux défavorisés participeront aux tables rondes, un micro passera à travers la salle … Et puis, le cadre restera intimiste – Il y aura quoi comme nombre de personnes? Une centaine peut-être … -, ce qui facilite aussi cette prise de parole.

Le programme du festival est très chargé. Ce sont des journées de huit heures et plus que vous avez prévues …

Oui, il y a un côté marathon. Mais on ne voulait pas non plus faire plus de trois jours. Les premiers projets, il y a un an et demi environ, prévoyaient un festival qui se passerait durant plusieurs week-ends. Mais c’est là bien plus difficile à organiser et puis, il est aussi plus facile de captiver les gens durant une période moins longue. Pour „Co-labor“ c’est aussi le moyen choisi pour fêter ses vingt ans. On ne voulait donc pas seulement passer des films, mais faire aussi des débats, qu’il y ait de la musique, que ce soit une fête. Il y aura des pauses …

Je crois que les gens choisiront tout simplement, comme dans tout festival. Il y aura ceux qui viendront plutôt l’après-midi, ceux qui viendront surtout le soir et aussi les jusqu’au-boutistes. Ce n’est donc pas vraiment un problème à mon avis.

Un deuxième festival du film social est-il déjà prévu?

L’idée existe. Mais on ne sait pas si cette idée se réalisera. Cela dépend plutôt du fait, si ce festival-ci fonctionne, s’il a du succès. En tout cas, s’il y a une deuxième édition, elle se fera sans doute différemment au niveau de l’organisation. Moi, par exemple, j’ai passé une centaine d’heures à organiser tout ça. Cette fois-ci il y avait nos vingt ans, mais vous comprendrez que je ne pourrai pas le faire tous les ans. Mais la Cinémathèque est prête à renouveler l’expérience. D’ailleurs, il y avait là un partenariat formidable, qui a facilité beaucoup de choses et sans qui tout ce festival n’aurait sans doute pas été possible.

„Bienvenue au grand magasin“, ou Julie Bertucelli sur les pas de trois
jeunes vendeuses des Galeries Lafayette. Un des films, rarement
visibles, qui seront montrés lors du „Festival du Film social“, à la Cinémathèque, du 16 au 18 octobre prochain.


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