OMBUDSPERSONNE: Présomption de mauvaise foi

La médiation dans l’administration publique, ce n’est pas du goût de tout le monde. Les défenseurs d’une fonction publique rétro crient au scandale.

„Présomption de culpabilité des fonctionnaires“, „clouer les agents publics au pilori“, „bouc émissaire“, „démarche répressive“: la Chambre des fonctionnaires et employés publics n’a pas mâché ses mots lorsqu’il s’agissait de fustiger, dans son avis, la „fonction […] aussi inutile que superflue“ d’une ombudspersonne au sein de l’administration publique (voir éditions du woxx nø 605 et 610). La semaine dernière, lors de la conférence des comités de la CGFP, son secrétaire général Jos. Daleiden en a encore rajouté en caractérisant le „projet de loi relatif à la mise en place d’un médiateur au Luxembourg“ de „grosse bêtise“. Avant toute chose, l’attitude de la chambre professionnelle et du syndicat des fonctionnaires révèle une position défensive.

A lire l’avis en question, il s’y rajoute l’impression que ces défenseurs de la fonction publique ont une image assez vieux jeu de ce que doit être une administration efficace et démocratique. Ainsi, la chambre renvoie sur l’existence des tribunaux administratifs et des lois et règlements „garantissant un traitement équitable de tous les citoyens et prévoyant suffisamment de voies de recours au cas où un administré se sentirait néanmoins désavantagé par rapport à un autre“. Et de nier ainsi qu’il existe une panoplie de litiges où l’administré-e renoncera d’habitude à engager une procédure, mais où il ou elle s’adresserait volontiers à une ombudspersonne afin de se voir traî té-e équitablement. L’idée qu’une telle médiation ne peut pas seulement résoudre des conflits ponctuels, mais également visualiser des structures défaillantes dans un service, et même générer des remèdes afin d’huiler l’engrenage administratif, ne semble pas effleurer l’esprit de ces hauts fonctionnaires campés sur leur attitude de complaisance. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure ils représentent leurs collègues qui souvent dans leur travail quotidien désespèrent de l’immuabilité de la machine étatique.

Cette sainte indignation, qui ne fait que conforter l’image d’immobilisme que nombre de citoyens et citoyennes se font de l’administration publique, ne saurait étonner de la part d’une chambre professionnelle connue pour son attitude conservatrice. Mais que penser d’une Chambre des employés privés qui à son tour a déclaré dans un communiqué que la création d’un tel service serait „inadaptée aux dimensions et aux réalités du pays“. Par ces mots elle reprend d’ailleurs un argument de la Chambre des fonctionnaires, selon laquelle l’exiguïté du territoire serait „à la base de circuits administratifs extrêmement réduits“. La Chambre de travail par contre est sortie du ton lors de son assemblée plénière de décembre en se prononçant positivement vis-à-vis du projet, mais en suggérant des amendements concrets.

L’étonnante fraternisation des représentant-e-s du secteur privé avec leurs homologues du secteur public se baserait-elle sur une peur partagée? Il est un fait que dans de plus en plus de grandes entreprises, des services de renseignement ou de réclamation sont proposés à la clientèle. Les numéros verts sont devenus symbole d’une administration ouverte et moderne. Bien sûr, de tels services – pour autant qu’ils sont plus qu’une mode de marketing – ne remplacent pas une réforme administrative. Mais ils peuvent l’inciter ou la faire avancer. Au lieu de se cantonner dans la peur de devenir attaquables, les organes représentant les employé-e-s du service public ou privé devraient plutôt saisir l’occasion de rajeunir leur look.


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.