56e FESTIVAL DE CANNES: Une pure illusion

Heureusement qu’il y avait Arnold Schwarzenegger et Jacky Chan. Sans eux, le dernier Festival de Cannes aurait été mortel.

Gus Van Sant, heureux d’être primé pour un film qui n’apporte pourtant rien de nouveau au sujet de la violence aux Etats-Unis

De tout ce qui avait été annoncé avant la manifestation annuelle du Festival de Cannes, rien ou si peu a été réalisé. A commencer par la sécurité. Avant l’ouverture officielle, les communiqués de presse n’arrêtaient pas de tomber pour annoncer des mesures exceptionnelles, que le Festival s’apprêtait à prendre. Au sein même du Palais, des patrouilles en compagnie de leurs chiens, des effectifs des forces de l’ordre et le plan „vigipirate“ allaient être renforcés.

En définitive, seule la fouille des sacs, destinée principalement à la recherche des appareils photos avant l’entrée en salle de projection, s’est faite systématiquement, mais avec de moins en moins de vigilance, plus le Festival approchait de sa fin. Quant à l’épidémie de la pneumonie atypique, les organisateurs avaient parlé de masques obligatoires pour les journalistes venus des pays à risque et un centre d’accueil „premier secours“ spécialisé allait être mis en place. Mais bien vigilant celui ou celle qui a vu ne fût-ce qu’un Asiatique avec un masque.

Si tout cela s’était arrêté là, on aurait pu dire que la panique aidant, les organisateurs s’étaient un peu trop avancés et qu’ils avaient fait d’une petite rivière un grand fleuve. Seulement, les promesses non tenues se sont étendues bien au-delà, comme la présence des stars américaines qui devaient envahir la Croisette.

Certes, il y en a eu, mais pas autant que prévu. On en finissait par remercier de tout coeur Arnold Schwarzenegger d’être venu, off festival, faire la promotion de „Terminator III“, et Jackie Chan, toujours off festival, pour la promotion de „Le Tour du Monde en 80 jours“. Sans eux, qu’on les apprécie ou pas, Cannes 2003 aurait été encore plus mortel.

Bon, il y avait bien, malgré tout, quelques stars sur les Marches, comme Nicole Kidman, Vincent Gallo, Clint Eastwood, Gus Van Sant, sans oublier toute l’équipe de „Matrix“, venue sans les frères Wachovsky. Mais tout cela n’a pas été suffisant pour faire monter la température sur la Croisette, d’autant plus que la plupart avaient pris leur quartier au Cap d’Antibes.

Donc, à défaut de stars, l’espoir de passer un bon festival ne reposait plus que sur une chose, la plus importante: les salles obscures. Mais comme s’il était écrit quelque part que cette 56e édition devait être une des pires dans l’histoire du festival, les films présentés n’ont suscité aucun engouement particulier, mis à part „Dogville“ et „Les Invasions barbares“, ce dernier ayant été l’unique véritable vent de fraîcheur à souffler l’espace d’une heure 35 sur la Croisette. La bonne surprise a été le soleil qui, comme pour combler un certain manque, a brillé durant toute la quinzaine. Il n’y a pas à dire … le 56e Festival de Cannes a été à l’image du film „Matrix“: une pure illusion.

Palmarès

Comme si le Festival n’avait pas été suffisamment décevant, Patrice Chéreau a dû y rajouter son grain de sable personnel, en décernant la Palme d’Or et le prix de la mise en scène à Gus Van Sant pour „Elephant“, un film proche de „Bowling for Columbine“, qui n’apporte aucun élément nouveau sur la violence aux Etats-Unis. Alors que tout le monde s’attendait à voir Denys Arcand et „Les Invasions Barbares“ couronnés, celui-ci ne décroche que le prix du scénario. Et, au lieu d’attribuer le prix du meilleur acteur à Remy Girard, le jury a préféré le second rôle Marie-Josée Croze. De cette sorte, il a pu se réserver pour „Uzak“ du Turc Nuri Bilge Ceylan, en lui attribuant le Grand Prix et le prix d’interprétation masculine ex-aequo aux deux acteurs principaux: Muzaffer Ozdemir et Mehmet Emin Toprak.

Quitte à ne pas faire dans l’originalité, autant primer des longs métrages pour des raisons politiques. Les Etats-Unis repartent avec l’or et l’Iran ne remerciera jamais assez la France qui, pour la seconde fois en trois ans d’intervalle, couronne l’enfant prodige Samira Makhmalbaf pour „A cinq heures de l’après-midi“. Récompense d’autant plus surprenante que Samira Makhmalbaf n’aura jamais fait un film aussi occidental que celui-là. Décidément, Cannes, quel que soit son Président, ne parvient pas à faire la différence entre politique et 7e Art.

Brigitte Lepage


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