UNION EUROPEENNE: Constitution à reprendre

Plutôt que de critiquer ce que réalise et ne réalise pas le mini-traité, la gauche devrait se réjouir: en renonçant à l’idée d’une constitution, la droite européenne lui cède le flambeau de la construction européenne.

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(photo: www.eu2005.lu/TomWagner )

Le mini-traité décidé le 23 juin lors du Sommet européen à Bruxelles ne fait pas beaucoup d’heureux. Si les leaders britannique, polonais, français et allemande ont des raisons particulières d’être content-e-s, l’accueil de la classe politque dans son ensemble a été mitigé. La gauche du oui regrette en général que nombre d’éléments positifs du texte initial soient passés à la trappe. Du côté de la gauche du non, on critique aussi bien la manière peu démocratique dont le traité doit être adopté que les nombreux éléments de la constitution maintenus dans le nouveau texte. Ces reproches sont fondés, mais la gauche pro-européenne a aussi des raisons de se réjouir.

D’abord, parce que le texte de la constitution était perçu comme une grande percée libérale. Or, au niveau du contenu, la fameuse partie 3 ne sera pas reprise par le futur traité. Les souverainistes de leur côté devraient être contents de l’abandon de la notion de constitution. Mais cet abandon devrait aussi satisfaire les militant-e-s du non constructif: ceux et celles qui se disaient explicitement favorables à une constitution, mais rejetaient un texte qui aurait légitimé à leurs yeux les errements libéraux des dernières décennies. Privé de l’appellation symbolique de constitution, le mini-traité, même s’il ne va pas dans la direction que ces militant-e-s souhaitent, risque moins d’enfoncer durablement l’Europe dans un cul-de-sac libéral.

Mais ce sont deux considérations plus stratégiques qui devraient inciter la gauche pro-européenne à l’optimisme. En effet, le renoncement des gouvernements de centre-droite au projet constitutionnel a été dicté en premier lieu par le souci d’éviter à soumettre le nouveau texte au vote populaire. Les idées généreuses, comme celles d’organiser des référendums simultanés dans tous les pays ou de faire élire une véritable assemblée constituante, ont été sacrifiées. C’est la peur de l’opinion des citoyen-ne-s qui a eu raison des grands desseins européens.

Or, depuis des mois on nous rabat les oreilles avec des discours sur la dimension démocratique de l’Europe et le dialogue avec les citoyen-ne-s. En agissant de manière exactement contraire, la droite perd toute crédibilité en tant qu’actrice de la construction européenne. Le futur traité, conçu en premier lieu pour éviter le verdict populaire, aura une légitimité quasi nulle. La voie est donc ouverte pour d’autres propositions.

C’est précisément la deuxième raison de se féliciter à gauche, mais aussi un défi. Pour éviter que le rejet populaire ne s’étende du mini-traité à l’ensemble de l’idée européenne, la gauche dans son ensemble devra rendre crédible l’idée d’une autre Europe. En effet, ces dernières décennies, la gauche européenne était divisée. Le texte de la constitution était issu de l’alliance que la social-démocratie avait passée avec la droite dans l’espoir de faire avancer la construction européenne. Cela risquait de faire perdre son âme à la social-démocratie et de donner à l’intégration européenne une image de droite.

Aujourd’hui ce dernier risque semble écarté. Au contraire, les forces politiques de droite qui ont concocté l’accord passent pour de mauvais Européens. La balle européenne est donc dans l’autre camp. Aux forces politiques de gauche de s’en saisir et de proposer un projet ambitieux pour une Europe unie sur des valeurs sociales. Qui pourrait déboucher, pourquoi pas, dans une dizaine d’années, sur un texte de Constitution vraiment nouveau.


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