BOLKESTEIN: Le Roi est mort! Vive le Roi!

Ce jeudi, le parlement européen s’est prononcé en faveur de la nouvelle directive sur les services. Pour beaucoup, le compromis entre conservateurs et socialistes s’apparente plutôt à une compromission.

La directive „Bolkestein“ a-t-elle été approuvée ou non par les eurodéputé-e-s ce jeudi à Strasbourg? „Oui“, vous répondront les Verts, la Gauche unie, certains socialistes ainsi que la Confédération européenne des syndicats (CES). „Non“, vous répondront d’autres socialistes, la droite et le patronat. Cette directive sur les services, dénommée d’après l’auteur de sa mouture originale, l’ancien commissaire européen Frits Bolkestein, aura interpellé l’opinion publique du continent comme nulle autre auparavant. Elle aura même contribué à faire capoter, dans une première instance, le traité constitutionnel européen. Il aura fallu d’un compromis entre les deux grands groupes au parlement européen (les conservateurs du PPE et les sociaux-démocrates PSE), pour la faire passer. Coûte que coûte.

Car cette directive est de ces textes qui résument et concrétisent si bien l’esprit ultra-libéral, qu’une fois dévoilés ils ne survivent que difficilement à la pression de l’opinion publique. Pour survivre, ils ont intérêt à passer inaperçus. Le fameux accord multilatéral sur l’investissement (AMI) avait déjà subi le sort du vampire que les rayons de soleil ont pris par surprise. Mais le problème avec les vampires, c’est qu’ils ressuscitent.

Pour autant, les dirigeants de l’Union européenne savaient que la directive ne pouvait passer dans son état original. Qu’il fallait l’édulcorer, ou faire tout comme. Et commencer par la forme en éliminant tous les gros mots. Comme le fameux principe du pays d’origine, par exemple. Mais ce principe, qui encourage la concurrence au dumping social entre les pays de l’Union, n‘ a pas forcément disparu. Car si le terme a bel et bien été rayé, il n’est pas dit qu’il en soit de même de l’esprit. En effet, la „clause du marché intérieur“ de l’article 16 peut laisser perplexe.

En gros, la clause laisse libre cours aux Etats membres de permettre à des sociétés de services installées dans un pays A d’être actives dans un pays B. Mais la clause ne pipe mot sur les standards et critères à respecter. Comme l’a formulé Klaus Dräger, un collaborateur parlementaire à Strasbourg, il est impossible de savoir quels critères seront de mise si un architecte espagnol construit en Allemagne, tout en collaborant avec un ingénieur belge et un chef de chantier portugais. Ce qui est inquiétant, c’est que la formulation laisse un flou juridique. Dans ce cas, la Cour de justice européenne devra clarifier les litiges à venir. Tout sera matière à interprétation. Et le libéralisme économique, c’est connu, adore interpréter. D’autant plus que la majorité des conservateurs et des socialistes ont réussi, en dernière minute avant le vote, à retirer deux réserves de l’article 16 concernant la politique sociale et la protection des consommateurs. Le coup a provoqué les protestations des Verts et de la Gauche unie. En vain.

Autre élément qui mérite réflexion: l’attitude de la CES. Peu encline au radicalisme, la centrale européenne syndicale s’est montrée – après moultes tergiversations il est vrai – étonnamment combative et avait réussi à mobiliser 50.000 personnes contre le „compromis“. Après tout, cela n’arrive pas tous les jours que John Monks, son dirigeant, se montre à tel point intransigeant.

Mais, en principe, la messe n’est pas encore dite. Il reste encore au Conseil des ministres, aux gouvernements européens donc, de se prononcer. Une occasion pour Jean-Claude Juncker de retrouver la poubelle dans laquelle il avait promis de jeter la directive.


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