ITALIE: Avanti popolo?

Le centre-gauche italien a battu Berlusconi et c’est tant mieux. Mais si la politique de Romano Prodi ne se distingue pas clairement de celle du centre-droit, elle risque de décevoir et de remettre en selle „Il Cavaliere“.

Pour qui vit en-dehors des frontières italiennes, il est difficile de comprendre pourquoi la défaite de Silvio Berlusconi aux élections législatives des 9 et 10 avril n’a tenu qu’à une poignée de voix. „Sua Emittenza“ ne s’est pas seulement contenté de laisser derrière lui un bilan social et économique catastrophique. La concentration dans ses seules mains des pouvoirs politique, financier et médiatique, rappelle à l’Italie des heures sombres que l’on croyait révolues. D’ailleurs, dans l’édition du 10 avril du quotidien Liberazione, Rina Gagliardi ose établir ce parallèle: „Franchement, je ne me souviens pas d’une journée d’élections d’une telle intensité émotive – un peu comme si c’était la première fois dans l’Italie à peine libérée du fascisme.“ Comme si tout cela ne suffisait pas, il fallait régulièrement subir les sorties ahurissantes de cet énergumène, caricature vivante des pires clichés de l’Italien macho, as des combines, grande gueule et totalement mégalo. A tel point que même ses alliés européens de droite semblent soulagés de la victoire du centre-gauche.

Pourtant, il s’en est fallu de peu. La moitié des électeurs et des électrices étaient prêts à lui renouveler son bail quinquennal au palazzo Chigi. Les Italiens seraient-ils à ce point couillons? Ce serait se rendre la tâche un peu facile. Après tout, si l’Italie avait son Berlusconi, les USA ont leur Bush et la France son Chirac „Supermenteur“ ou son de Villepin, que l’on peut très bien s’imaginer déambuler dans les couloirs de Matignon portant tricorne inversé, la main droite posée sur l’estomac. Berlusconi n’est pas le seul à se prendre pour l’Empereur.

Sauf en partant du principe que les électeurs sont masochistes par principe, il faut essayer de comprendre l’enracinement politique d’un phénomène comme le „berlusconisme“. Et cela passe inévitablement par une critique, voire une autocritique. Une autocritique de la gauche italienne.

Romano Prodi ne va pas gouverner l’Italie pour la première fois. Ce pur produit de la démocratie chrétienne de la première république, est évidemment bien plus sympathique et sa sérénité inspire confiance. L’emballage est une chose, mais qu’en est-il du contenu? Candidat de la gauche, va-t-il cette fois-ci mener une politique digne de ce nom? Certes, le programme gouvernemental de l’Unione est légèrement plus ambitieux que celui du centre-gauche qui détenait la majorité de 1996 à 2001. Mais on est en droit de douter sérieusement que ce social-libéral convaincu rompe clairement avec les dogmes de la libéralisation ou de l’austérité budgétaire. Si certains le célèbrent aujourd’hui encore comme celui qui a fait entrer la Péninsule dans la zone euro, ils minimisent les sacrifices draconiens imposés à la population. Sans oublier non plus que Romano Prodi a présidé la Commission européenne qui a pondu des textes tels que la directive „Bolkestein“. Tout de même. Dans le genre „homme de gauche“, on a déjà vu mieux.

Ces élections ont également révélé deux éléments symptomatiques. Tandis que les couches marginalisées et exclues ont soutenu la candidature du milliardaire de droite, le patronat italien s’est rallié, in fine, au centre-gauche. Evidemment, les classes les plus défavorisées de la population italienne n’ont rien à attendre de Berlusconi, au contraire. Mais elles savent probablement, par expérience, que le centre-gauche ne va pas obligatoirement gouverner en leur faveur. D’une certaine manière, le vote Berlusconi était un vote de rupture. Au manque d’alternative programmatique, c’est le candidat le plus haut en couleur qui a le vent en poupe. Berlusconi a peut-être franchi trop de lignes jaunes, c’est ce qui l’a fait trébucher. Mais son soutien dans la population reste énorme, et cela est inquiétant. Au centre-gauche maintenant de prouver qu’il peut gouverner autrement. Que les alternatives sont plus que des nuances. Car à force de vouloir gérer l’état existant sans le changer, le centre-gauche risque de devenir le meilleur allié objectif d’un Berlusconi qui ne veut pas avoir dit son dernier mot.


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