Programme peu osé, mais réaliste.: L’Oesling

A 521 mètres au-dessus du niveau de la mer on doit pouvoir trouver de tout Il faudra y rajouter le nouveau centre culturel du Nord du Luxembourg qui vient d’ouvrir ses portes.

Entre les fermes, la culture … et pourquoi pas, sous forme de cube

Oui, il est bel et bien réel, le besoin d’infrastructure culturelle au-delà de la capitale et même au-delà du Centre des arts pluriels d’Ettelbruck (CAPE). Marnach, dans la commune de Munshausen est devenu, depuis le 17 novembre de cette année bénie de culture, le pôle Nord de la culture du pays grâce au dernier né des centres culturels, le Cube 521. « Cela fait 13 ans qu’une telle structure est en discussion », confirme la directrice Odile Simon. Selon elle, tout aurait commencé avec le « Marnecher Festival » qui depuis 1987 fait battre plus haut les c?urs et les ch?urs du Nord. « Avec le festival, qui a pris plus d’ampleur d’année en année, le besoin d’une infrastructure plus grande et de locaux techniques adéquats et plus performants a grandi aussi. C’est ainsi qu’est née l’idée d’implanter ici une structure culturelle permanente », raconte la directrice.

En contemplant la carte des infrastructures culturelles du Luxembourg, il est vrai que la région Nord pourrait apparaître comme un no man’s land culturel. Le Sud est bien équipé avec la Kulturfabrik à Esch, la Rockhal et les Soufflantes de Belval et le nouveau CNA de Dudelange – sans oublier les friches utilisées pour l’année culturelle dont l’usage futur demeure peu clair. La région du centre dispose des grandes maisons culturelles dignes d’une capitale européenne et même sa « banlieue » a le « Mier-scher Kulturhaus ». Pour le Nord, il y a bien sûr le Cape à Ettelbrück, mais pour celles et ceux qui l’ignoraient encore : la ville d’Ettelbrück est située au sud de l’Oesling et ne peut donc pas satisfaire tous les besoins culturels de la région. S’y ajoutent deux faits : premièrement le désir du gouvernement et du ministère de la culture de décentraliser les infrastructures culturelles – comme il l’a déclaré une première fois en 1989. Cette décentralisation devrait contribuer à « l’épanouissement des diversités culturelles régionales et locales ». Par la suite, une attention particulière a été portée sur les centres d’animation culturelle en région.

L’autre aspect est plus pragmatique : si la culture est un bien commun à tous et qu’elle est financée par tout le monde, pourquoi la région du Nord, qui géographiquement parlant est plutôt vaste par rapport aux autres- mais faible du côté démographique, resterait-elle un désert culturel ?

Mais avec l’ouverture du Cube 521, cette idée appartient définitivement et heureusement au passé. La longue durée de gestation de ce projet s’expliquerait, selon Odile Simon, par les questions que les responsables se sont posées : De quoi a-t-on besoin exactement ? Et surtout : qui paiera tout cela ? 7,5 millions d’euros, c’est le coût final du Cube 521. Les frais ont été partagés entre le Fonds européen pour la culture, le ministère de la culture et la commune de Munshausen. Quant aux frais de fonctionnement, ils sont financés par la commune et le ministère sur base d’une convention paritaire, qui fait que les deux peuvent augmenter les subventions, mais seulement si les deux parties versent la même somme.

Maintenant que le Cube 521 a atterri sur les collines de l’Oesling, et que le dernier trou dans la cartographie culturelle du grand-duché est bouché, reste la question : que faire avec ce lieu ? En jetant un oeil sur la programmation, on peut dire d’ores et déjà que le nouveau centre culturel régional n’est pas un lieu d’avantgarde : Brecht, Horvath et Beckett pour le théâtre, du jazz et du classique pour la musique. Bref, ce n’est pas à Marnach qu’on verra les dernières tendances underground qui font rage dans les capitales européennes. A ce sujet Odile Simon est claire : « Nous devons trouver l’équilibre entre satisfaire les demandes de notre public d’une part, et de l’autre de créer de nouveaux besoins ». Le public est divers : rural bien-sûr pour l’environnement plus direct. Mais le Cube 521 vise aussi au-delà des frontières du pays – comme le font, ou sont forcées de le faire, toutes les institutions culturelles du pays. Ce qui d’ailleurs est loin d’être négatif, puisque cette contrainte unique en Europe ne peut être qu’enrichissante.

« Nous visons aussi le public allemand de l’Eifel ainsi que les communautés franco- et germanophones du côté de la Belgique. Notre programmation se fait en ayant conscience que nous nous situons entre trois frontières », explique Odile Simon. Pour ce public mixte, proposer une programmation qui mélange des points forts de qualité internationale – comme le Prague Radio Symphony Orchestra – et des animations plus légères comme des comédies et un festival de théâtre rural semble a priori la combinaison gagnante. « Nous devons bien sûr aussi laisser une place pour les acteurs locaux, pour qu’ils puissent s’exprimer dans ce nouveau cadre et surtout s’y identifier », commente-t-elle. C’est aussi une des raisons pour lesquelles le Cube 521 mise beaucoup sur la jeunesse. Entre autres, le centre projette de créer petit à petit son propre groupe de théâtre de jeunes, afin de bien s’implanter dans la région rurale. Ce travail se fera dans le cadre du « Jonke Cube » qui est censé, entre autres, être au service des classes scolaires environnantes et ainsi contribuer à l’autonomie culturelle du Nord.

Mais ce n’est pas tout. En plus d’offrir une scène pour les diverses manifestations culturelles, le Cube 521 dispose aussi d’un foyer et de trois salles polyvalentes. Elles peuvent aussi bien êtres utilisées pour des conférences et séminaires que pour de la formation continue ou encore des répétitions. « Actuellement, la fanfare du village y répète déjà », ajoute la directrice. Elle n’a pas trop voulu s’exprimer sur la question s’il sera possible pour des groupes de rock d’y trouver refuge. Elle s’est juste fendue d’un « s’il n’y a pas de trouble, on pourrait s’arranger ». Mais de l’autre côté, l’Oesling ne manque certainement pas de granges, ni de garages dans lesquels les rockeuses et rockeurs en herbe peuvent se défouler…

Pour l’instant, le centre semble être plutôt bien accueilli par sa clientèle : « Hors de la cérémonie d’ouverture du 17 novembre – qui réunissait toute la société politique et artistique du cru – , notre premier `vrai‘ spectacle, un concert de musique classique, a été un franc succès. Il ne restait aucune place de libre », se félicite Odile Simon. Le défi sera de garder cette dynamique et de ne pas perdre le crédit du public dont jouit, jusqu’à présent, la jeune institution. Pour cela, la directrice et son équipe – qui est organisée comme pour toutes ces maisons sous forme d’une association sans but lucratif – ont d’ambitieux projets.

L’un d’entre eux s’apparente à la quadrature du cercle, rien qu’à considérer sa dénomination de « Cube sur roues ». A l’avenir, le centre voudra aussi se faire connaître à bien au-delà de son emplacement, ce qui est d’autant plus important qu’il se situe en zone rurale. « Nous voulons aussi atteindre les gens qui ne peuvent pas se déplacer », explique Odile Simon, « Surtout les personnes âgées dans les maisons de retraite et les personnes handicapées. C’est pourquoi nous projetons de nous procurer un bus grâce auquel nous pourrons envoyer des petites productions vers les gens ». Ce qui en fera le premier service de culture à domicile du pays. Même si l’achat de ce bus n’est pas encore chose faite, le projet de ce petit ovni culturel atterri parmi les collines du Nord semble plutôt bien parti.

www.cube521.lu


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