REFUGIÉS: Fièvre rafleuse

La récente expulsion de Nigérians met en colère tout en laissant perplexe. Si même ceux-ci ne remplissaient pas les conditions pour rester, c’est à se demander ce que le gouvernement entend par intégration.

Nicolas Schmit nous fera-t-il regretter Luc Frieden ? Si nombre de militant-e-s des droits des réfugié-e-s  avaient peut-être cru entrevoir une lueur d’espoir dans la création, en 2004, d’un ministère de l’immigration, attribué à un ministre socialiste, ils doivent certainement en revenir. C’est que le ministre délégué à l’immigration se distingue, ces derniers temps, non seulement par une intransigeance toute « friedenesque », mais aussi par une politique insensée.

Que penser en effet de l’expulsion de ces citoyens nigérians, il y a maintenant deux semaines, qui, à l’exception d’un, n’avaient vraiment rien à se reprocher, au contraire même ? Comme Tope Ossimor, qui, en plus d’être réfugié politique, parlait déjà luxembourgeois et travaillait pour le projet « Go4Lunch ».

Ce mardi, pour la troisième fois consécutive, la place Clairefontaine a été le théâtre d’une manifestation de solidarité avec ces personnes expulsées. Une délégation de l’Asti et de l’Acat a même été reçue par Schmit. Mais l’issue de l’entrevue s’est avérée décevante. Aux yeux du ministre délégué d’Asselborn, l’apprentissage du luxembourgeois et l’occupation d’un emploi ne sauraient constituer un « automatisme » pour une régularisation définitive. Si l’expulsion de ces personnes est déjà insupportable, cette déclaration de Schmit ne peut que susciter la colère. Car c’est bien son gouvernement dont les ministres sont incapables de parler immigration sans sautiller tels des roquets en aboyant « intégration, intégration, intégration ! ». C’est bien ce gouvernement qui s’accroche à l’apprentissage du luxembourgeois dans son projet de loi sur la nationalité tel un nourrisson au sein de sa mère. C’est bien ce gouvernement qui pond un projet de loi sur l’immigration qui fait de l’utilitarisme économique et de l’apport pour le marché du travail la pierre angulaire de sa politique.

Mais pour des raisons obscures, les Nigérians n’en ont pas fait assez. Auraient-ils dû chanter en choeur le « Feierwon » sur la place d’Armes ? Sauver un enfant de la noyade ? Sortir des automobilistes accidentés des carcasses de leurs voitures ? S’affilier au LSAP ? Peut-être. Force est de constater qu’ils n’en ont pas fait assez et que cela a suffi pour les renvoyer au Nigéria courir de grands risques, où en tout cas gâcher leurs vies.

Schmit a pourtant assuré : il connaissait les dossiers. Serge Kollwelter a répondu, fort à propos, que les membres de l’Asti et de l’Acat connaissaient les personnes. C’est sûr, dans ces conditions, il est difficile de se comprendre.

De plus, cette expulsion ne peut être bénéfique à un ministre socialiste un an avant les élections. Encore, aurait-il fait expulser, à la manière de Frieden, de « dangereux criminels » où les aurait fait passer pour tels, la pilule serait mieux passée. Mais cette fois-ci, la fièvre rafleuse du gouvernement a touché ceux qui ont appliqué l’esprit de certaines lois avant même qu’elle n’aient été votées. Etait-ce volontaire de s’attaquer en premier lieu aux cas les plus exemplaires, afin de signifier la volonté du gouvernement et de briser le moral d’autres candidats à l’expulsion ? Ce serait plausible. Et dégueulasse.


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