RAY TOSTEVIN: Charlotte Sometimes

Trois ans après la sortie de « Heim ins Reich », la Seconde Guerre mondiale au Luxembourg est de nouveau abordée par un documentaire. « Léif Lëtzebuerger », du britannique Ray Tostevin, raconte l’action de la Grande-Duchesse Charlotte durant ses années d’exil.

En mission aux
États-Unis:
la Grande-Duchesse Charlotte.

« Et bien, j’y vais vous dire la vérité. C’est honteux vis-à-vis du peuple luxembourgeois qui sont tomber dans la guerre. Elle là charlotte, a déserter pour angleterre. Vous savez ce qu’on a fait avec les déserteurs. J’ai pas besoin de le dire, la même chose comme avec les zarevitsch. Aujourd’hui, ils sont le plus grand chômeur, sans rien faire et d’avoir tout vendu, une affaire comme le bommeleier. Bien le bonjour de Robin Hood. » Ce commentaire sans appel émis par quelque partageux internaute sur le site plaza.lu en réaction au documentaire « Léif Lëtzebuerger » est éloquent. D’une éloquence qui, certes, fait la part belle à la raillerie hargneuse au détriment de la syntaxe, mais qui en quelques lignes résume les griefs que les Luxembourgeois se plaisent à entretenir à l’encontre de la ci-devant famille de Nassau, lorsqu’ils souhaitent se convaincre que l’opulence n’a pas abâtardi leur esprit frondeur.

Pourtant les Luxembourgeois ne sont pas républicains. Ils ne sont probablement pas monarchistes non plus. Ils veulent simplement rester ce qu’ils sont – puisque telle est la devise – et garder ce qu’ils ont. La monarchie, quels que soient ses défauts, rassure. Elle constitue un lien symbolique mais réel avec le passé.

C’est la force de ce symbole durant la période la plus agitée de l’histoire récente du grand-duché qui est au centre de cette co-production anglo-luxembourgeoise. Pendant les années d’occupation, la Grande-Duchesse Charlotte devint l’objet d’un culte qui puisait à des sources ancestrales – elle fut vénérée en tant que « mère de la patrie » et « Consolatrice des affligés » -, tout en étant propagée par les moyens de propagande les plus modernes de l’époque. Sans vouloir exagérer, l’on peut tenter de comparer les sentiments qu’éprouvèrent les Luxembourgeois en entendant, pour la première fois, la voix de leur souveraine sur les ondes de la BBC, le 5 septembre 1940, à ceux des Japonais en entendant celle de leur empereur en 1945. Ce n’était plus cette belle dame élégante, mais distante, qui leur faisait des signes de la main gantée, mais une femme qui exprimait sa commisération envers ceux qui souffraient sous le joug nazi et les exhortait à résister.

Son action apaisante permit la persistance d’un lien entre la population luxembourgeoise et le gouvernement d’union nationale – fort impopulaire durant les premiers mois de l’exil. Elle participa ainsi à la préservation, non seulement de l’indépendance, mais également de la démocratie luxembourgeoise. Enfin, ses tournées à travers les Etats-Unis et son amitié avec le président Roosevelt – qui l’appelait simplement « Lottie » – se révélèrent tout aussi décisifs pour la cause luxembourgeoise que ses allocutions radiodiffusées.

« Léif Lëtzebuerger » est d’abord servi par la qualité des sources, dont certaines sont inédites. Il y a ainsi ce très émouvant film de famille, sur lequel les enfants princiers saluent leur mère, ces images en couleur montrant la Grande-Duchesse en tournée dans le Midwest ou bien la correspondance que celle-ci entretint avec Franklin Delano Roosevelt. Du côté des témoignages, retenons les interventions de Curtis Roosevelt – le petit-fils du président américain – et d’historiens luxembourgeois comme Paul Margue, Serge Hoffmann ou Paul Haag. Toutefois, quelqu’intéressant que soit le propos, celui-ci est desservi par une réalisation d’une extrême timidité, aussi maîtrisée que convenue. Rien ne dépasse et rien ne surprend. Si l’on y rajoute une bande sonore par trop empruntée, on obtient un résultat qui a le charme suranné des longs dimanches après-midi que l’on passe chez ses grands-parents.


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