KIM KI-DUK: Le salut par le désir

A travers « Soom » (Souffle), son nouveau film, le réalisateur sud-coréen Kim Ki-duk nous raconte l’histoire d’une femme qui tente d’échapper à l’étouffement de sa vie. Le résultat est une fresque d’une sensualité douloureuse, mais régénératrice.

Des univers de désirs qui se téléscopent,
la spécialité de
Kim Ki-duk.

Dans la plupart de ses films, Kim Ki-duk laisse ses personnages se taire. Celui-ci, au fond de sa cellule, a une bonne raison. Il s’est, par deux fois, perforé la gorge à coup de brosse à dents. A l’étroit dans son propre cachot, le foyer conjugal, Yeon voit se succéder les reportages autour de cette tentative de suicide ratée du condamné à mort Jang Jin et cède à une impulsion. Entre la femme délaissée, à la recherche désespérée d’un souffle de vie, et l’assassin, enterré vif, va naître une liaison passionnelle au-delà du morbide.

Le lieu commun voudrait que les « films asiatiques » – comme s’il s’agissait d’un genre… – fussent contemplatifs. Or « Soom » est en premier lieu une parabole psychologique. C’est le drame d’une femme dépérissant dans sa dépression, qui va se servir de la solitude de la bête en cage et de la promiscuité de leur jeu pour provoquer une rupture salvatrice.

Là où Kim Ki-duk démontre à nouveau son brio, c’est dans sa capacité de donner une enveloppe charnelle aux sentiments et aux perceptions de ses personnages. Ainsi dans cette scène de la première rencontre, où Yeon et Jang Jin sont séparés par une vitre en plexiglas uniquement percée de quelques trous d’aération. Bientôt les visages se rapprochent. L’on s’attend au baiser, quand Jang Jin arrache un cheveu de cette femme inconnue. S’empare d’un morceau d’elle, qu’il finira par avaler. Comme pour la posséder, quelles que soient les restrictions, et la consommer dans un acte de chair aussi dérisoire que réel.

Comme l’Antonioni du milieu des années 1960, le réalisateur coréen sait également se servir de toute la froideur d’un décor marqué par la modernité, pour encadrer et rehausser son récit. Ce sont des paysages enneigés sans grâce – mais sans laideur non plus -, où se détachent les maisons cubiques et le mobilier urbain récent. Un univers minéral fait de glace et de béton, de verre, d’aciers carbone et de tôles aluminium. On songe parfois au Luxembourg.

Au bout d’une heure vingt de pression croissante, vient l’orgasme. La respiration qui était devenue consciente, donc douloureuse, redevient réflexe. Les muscles se relâchent et l’âme apaisée est à nouveau capable de pardonner ou de châtier.

Au Kinosch


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