CONSTITUTION EUROPEENNE: Dernière chance

La présidence allemande prévoit de relancer la ratification de la constitution.
Mais les partisans de ce processus s’empêtrent dans leurs contradictions.

Ce qui se déroule ce vendredi à Madrid, c’est un peu la réunion de la dernière chance pour le texte de constitution européenne issu des négociations de la Convention et de la Conférence intergouvernementale. Les 16 pays ayant adopté ce texte vont tenter de se concerter sur les moyens de le sauver.

Plus d’un an et demi après les non français et néerlandais, la belle assurance affichée par les partisans du oui sonne creux. En réalité, au bout de cette longue „période de réflexion“, personne n’a de solution pour résoudre la crise. Jean-Claude Juncker n’en finit pas de rappeler qu’une écrasante majorité de citoyens se sont prononcés en faveur de la constitution … mais omet de mentionner que dans l’écrasante majorité de ces pays, ils se sont „prononcés“ à travers leurs représentants élus. Quant à ceux qui ont donné leur assentiment par référendum, ils ne devraient même pas avoir le droit de revoter sur un texte amendé. Le Premier luxembourgeois vient en effet d’annoncer qu’il ne consultera pas ses compatriotes une seconde fois sur un texte „inchangé dans son identité fondamentale“.

En décidant en 2005 de procéder au référendum après le double non, le gouvernement sacrifiait à la beauté du geste symbolique le sérieux du débat: il était absurde de faire voter les Luxembourgeois-es sur un texte qui était à l’évidence déjà condamné à être renégocié. Maintenant il va falloir leur expliquer que leur oui compte „pour des prunes“, ainsi que s’est exprimé Juncker.

Mais quel sera ce texte de constitution „amélioré“, sur lequel seul-e-s les député-e-s luxembourgeois-es auront le droit de se prononcer? Avant tout, il faudra qu’il séduise l’électorat français. En effet, il est improbable que le ou la vainqueur des élections présidentielles renonce à organiser un second référendum. L’idée de l’initiative hispano-luxo-allemande était de concocter avec l’ensemble des autres pays un package à présenter au futur gouvernement français: un accord général sur la structure du nouveau texte et une liste des éléments négociables. En rajoutant, pour faire passer le morceau, une petite charte sociale – mais pas trop contraignante, sinon la Grande-Bretagne et les pays de l’Est quitteraient le navire.

Déjà, la belle mécanique commence à s’enrayer: une seconde rencontre, devant réunir l’ensemble des pays membres, vient d’être annulée. La tentative d’utiliser le cinquantenaire du Traité de Rome en mars pour ranimer l’enthousiasme européen pourrait faire long feu. L’histoire de la construction européenne est faite de progrès et d’ouvertures, mais est aussi marquée par la dérive libérale des 20 dernières années. Un texte constitutionnel perçu comme la consécration de cette évolution pourra difficilement conquérir l’indispensable soutien de l’électorat „noniste pro-européen“. Réciproquement, un texte moins libéral et plus social que celui d’origine, risque de perdre des „oui de droite“.

Quant aux réticences de Juncker à faire revoter les Luxembourgeois-es, elles ne sauraient se justifier. Quelles que soient les modifications du texte de la constitution, elles déplairont à certains ouiistes. Le respect de l’expression de la volonté populaire, arboré lors du non français par le Premier, impose qu’on consulte le peuple à nouveau. D’ailleurs, si les Luxembourgeois-es ne doivent pas revoter sur un texte „inchangé dans son identité fondamentale“, on ne voit pas pourquoi les Français-es le feraient – leur non devrait également être considéré comme acquis.

Certes, dans les discours ouiistes, un texte constitutionnel amendé est présenté comme la dernière chance pour les Français-es de se montrer européen-ne-s. Mais ne s’agit-il pas plutôt de la dernière chance pour les institutions européennes actuelles de changer de cap en direction d’une „autre Europe“?


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