EDUCATION NOUVELLE: Brise-glace

Le projet-pilote „Eis Schoul“ a été adopté par le gouvernement. Mais en soutenant avec la même ferveur d’autres projets aux finalités divergentes, la ministre de l’éducation manque de cohérence.

„S’il n’en dépendait que de moi, toutes les écoles du pays fonctionneraient ainsi“. Voilà qui a eu le mérite d’être clair. Cette phrase est tombée lundi soir lors de l’assemblée générale du Groupe luxembourgeois d’éducation nouvelle (Glen). Sauf qu’elle n’a été prononcée ni par son président Denis Scuto, ni par un instituteur membre de l’association, mais par la ministre de l’éducation nationale Mady Delvaux-Stehres. Pour rappel: vendredi dernier, le conseil de gouvernement a adopté un projet de loi qui devra mettre en route le projet-pilote du Glen dénommé „Eis Schoul“. A l’instar du „Neie Lycée“ pour le secondaire, „Eis Schoul“, pour le primaire, rompt fondamentalement avec l’approche pédagogique en vigueur dans l’enseignement traditionnel.

Puisant dans les pédagogies de Freinet et de Montessori, le Glen entend orienter l’enseignement et l’éducation vers l’apprentissage par l’expérience des élèves. L’école doit s’inspirer de la vie, doit procurer du plaisir. Ainsi, par exemple, un cours d’histoire ne devrait pas se résumer à l’ingurgitation de données (méthode d’ailleurs inappropriée pour cette discipline) mais proposer aux élèves de réaliser une petite exposition, de faire leurs propres recherches. Une école pour laquelle les élèves sont des humains et non des caisses enregistreuses. Pouvant accueillir 108 élèves de 3 à 12 ans sur le territoire de la ville de Luxembourg, l’établissement ouvrira probablement ses portes en septembre 2008. C’est en tout cas ce que souhaite la ministre. Une information qui fit sourire plus d’un-e militant-e du Glen.

Donc, si l’on s’en tient à la „déclaration d’amour“ de la ministre, elle ne verrait aucune difficulté à mettre au diapason de la „nouvelle éducation nouvelle“ l’ensemble de l’école luxembourgeoise. Malheureusement, on peut fortement douter que le système scolaire actuel, qui, au lieu de générer de l’intelligence et de l’émancipation, contribue à reproduire les inégalités sociales et les faiblesses des élèves, disparaisse lors de cette période de législature.

Mady Delvaux-Stehres est l’antithèse de Fernand Boden, un de ses prédécesseurs et pour lequel il faudrait un jour penser à créer le ministère de l’immobilisme public. Depuis qu’elle occupe le ministère, les réformes jaillissent comme des champignons. Cela fait aussi bien sa force que sa faiblesse. En effet, toutes les réformes ne se valent pas. Et si la pédagogie n’est pas une science exacte, une politique de l’éducation devrait avoir un minimum de cohérence. Mais à entendre la ministre vanter avec le même enthousiasme les mérites des projets-pilotes „Neie Lycée“ ou „Eis Schoul“ et les réformes telles que l’enseignement par socles de compétences ou le projet de réforme du cycle inférieur (Proci), il y a lieu de s’interroger. Elle l’a même concédé lors de l’assemblée générale du Glen: „Je suis prête à soutenir tous les projets intéressants“. Etant donné que personne ne dispose d’une baguette magique scolaire, cette approche n’est pas foncièrement mauvaise.

Mais comme il est tout simplement impossible de mettre tout le monde d’accord et que chaque réforme scolaire apporte avec elle ses cohortes d’insatisfaits, il serait temps pour le ministère – tant qu’à faire – de donner une orientation politique plus claire. Car il y a un monde entre la greffe de réformes sur un système malade et le soutien à des projets qui n’ont pas grand chose à voir avec lui. Et il y a un monde entre des réformes inspirées de l’OCDE et dont la finalité est la supposée compétitivité des futur-e-s salarié-e-s dans un système économique donné, et des pédagogies humanistes encourageant les élèves à penser par eux-mêmes, voire à mettre en question ce qu’on leur présente comme étant inéluctable. Mais peut-être que Mady Delvaux-Stehres a compris que des projets tels que „Eis Schoul“ ou le „Neie Lycée“ sont autant de brise-glaces qui traverseront avec succès la calotte glacière de l’école luxembourgeoise.


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