RYUHEI KITAMURA: Métro, boulot, bourreau

« Midnight Meat Train » rassemble les genres de l’horreur et du thriller pour une composition qui titille les nerfs jusqu’à la dernière seconde.

Non, ce n’est pas le steak qu’elle avait commandé…

A l’époque de leur construction, les trains souterrains urbains – les métros – faisaient vibrer l’âme populaire. Des maléfices sous-terrains étaient à l’ordre du jour, on craignait de réveiller les morts oubliés sommeillant sous les cités ou encore on avait peur que le prolétariat s’en serve pour préparer des révoltes en cachette. Bref : tout un attirail de peurs ancestrales se projetait sur cette invention tout à fait moderne.

De nos jours, un parcours en métro reste toujours quelque chose d’intéressant, même si on ne s’attend plus à voir des monstres défiler dans les couloirs éternellement noirs du souterrain. Les problèmes ne commencent que quand le monstre est dans votre rame?

C’est bien ce que constate Léon, un jeune photographe qui veut à tout prix percer dans la scène arty new-yorkaise, afin d’échapper aux boulots minables qu’il éxécute pour divers tabloïds – pour lesquels il prend des clichés de chiens ou de personnes écrasées. Lorsqu’il présente son boulot à une connaissance du milieu, celle-ci l’encourage à aller encore plus de l’avant, à photographier encore plus longtemps et avec plus de culot. Pris sous le charme de sa chance, le jeune homme s’éxécute et se poste dans les sous-terrains interminables de la grande pomme pour y chasser les motifs qui feront de lui un artiste respecté et un homme riche.

En prenant des images d’une belle Japonaise qui se fait agresser dans le métro, il produit aussi les derniers clichés de cette personne. Même s’il réussit à la sauver des voyous qui la poursuivaient, elle monte dans le métro pour apparaître le lendemain dans les journaux? en tant que personne disparue. Mais Léon a une piste : un type au visage bizarre qui attend chaque soir patiemment la même dernière rame. Ses recherches dans les archives révèlent bientôt que quelque chose doit clocher avec ce dernier métro : depuis une centaine d’années, des personnes disparaissent autour de cette ligne, sans qu’on réussisse à retrouver leurs corps, sans messages, sans rien. Léon a vite fait le lien entre ces disparitions et le mystérieux étranger, qui se révèle être boucher de profession. Un boucher un peu particulier, puisqu’il fait des heures supplémentaires en rentrant?

L’intérêt de l’oeuvre de Kitamura est moins l’histoire qu’il raconte, mais plutôt la façon dont il montre la ville et ses sous-terrains. « Midnight Meat Train » est le premier film américain de Kitamura, qui s’était jusqu’à ce moment illustré au Japon par des films de samuraïs et de yakuzas – en passant aussi par une énième adaptation du mythe favori des Japonais : Godzilla. Après des années où le cinéma américain s’inspirait – d’autres diront copiait-collait – du cinéma asiatique, l’Empire du Soleil Levant, ou du moins son cinéma, prend sa revanche. Et Kitamura filme New-York comme rarement quelqu’un l’a fait avant lui : il évite les symboles glamoureux et fuit dans l’imprécision. La ville est une jungle peuplée de monstres, qui « a toujours été un enfer », comme le constate Maya, la copine de Léon au début du film. Les lumières de New York sont toujours vacillantes, comme si elles pouvaient s’éteindre à chaque moment, et les scènes souterraines sont exécutées avec une bravoure et une perfection qu’on a rarement vue.

Le seul hic de « Midnight Meat Train » est l’histoire. Thriller classique au début, film d’épouvante au milieu, le film se perd un peu pendant les vingt dernières minutes et finit par vraiment décevoir à la fin. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne vaut pas le coup.

« Midnight Meat Train », à l’Utopolis.


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