UNION EUROPÉENNE: Barroso forever !

Dans les limbes institutionnels, coincé entre le Traité de Nice et celui de Lisbonne, le Parlement européen vient de réélire à une très large majorité Barroso. Retour sur une victoire annoncée.

Portrait du néolibéral en jeune mao.

Propulsé à la tête de la Commission européenne en 2004 par la grâce de Tony Blair, José Manuel Barroso a mauvaise réputation en ces temps de crise. Atlantiste et libéral, il est surtout resté dans les mémoires par son refus de toute réglementation des marchés financiers. Mais pour Jean-Claude Juncker, « M. Barroso est traité de façon injuste », car « d’aucuns ont oublié que ce fut la Commission qui proposa un paquet conjoncturel européen (?) de deux pour cent du PIB européen ». Reste que l’été dernier, lorsque de vénérables banques s’effondraient comme de vulgaires châteaux de cartes, Barroso fut très lent à réagir à une crise bancaire que sa politique avait contribué à créer et qu’il n’avait pas vue venir – quoiqu’en dise aujourd’hui Jean-Claude Juncker, Thucydide autoproclamé de Capellen.

Certes, il n’est pas illo-
gique qu’une Europe gouvernée par la droite élise un candidat de droite. Mais l’élection de l’homme qui, au niveau européen, incarne comme nul autre l’ère Bush-Bolkestein est surtout un échec pour une gauche qui n’a pas su faire front contre Barroso. Car, de facto, les socialistes n’ont pas voté contre Barroso. La veille du scrutin, Martin Schulz, président du groupe socialiste qui aura besoin des voix conservatrices pour devenir le prochain président du Parlement européen, avait passé la consigne de vote : abstention. Or, d’après le Traité de Nice, seules les voix exprimées étaient comptabilisées, et les 117 abstentionnistes ont compté pour des prunes.

Pis, certains socialistes, moins pudiques, ont directement voté Barroso. « Il a fait un excellent travail, je veux dire de façon très claire que nous le soutiendrons », avait indiqué sans détour le premier ministre travailliste britannique Gordon Brown. Au nom d’une bien curieuse « solidarité ibérique », le socialiste espagnol José Luis Zapatero avait lui aussi appelé à voter Barroso. Le gouvernement Juncker-Asselborn II avait, par la voix de Jean-Claude Juncker et le silence complaisant des ministres LSAP, « soutenu sans réserves » sa réélection. Derrière les coulisses, une grande alliance a ainsi pu être formée.

Robert Goebbels (LSAP), lui, a voté contre, tout comme Claude Turmes (déi Gréng) et Charles Goerens (DP). Les raisons de ces refus étaient variées : tandis que les deux premiers fustigeaient une politique « néolibérale », Goerens avançait des arguments nettement plus étatiques : sous Barroso, se plaignait-il, « les petits pays ont été mis au second plan », et de stigmatiser « l’imbroglio institutionnel » de ces cinq dernières années. Quant à Frank Engel, Astrid Lulling et Georges Bach, les trois députés européens du CSV qui ont voté pour l’ex-maoïste Barroso, ils ne débordaient pas de joie. L’argument avancé par Astrid Lulling tombait sec et coupait court à toute discussion : « Il n’y avait pas d’alternative », affirme-t-elle face au woxx.

Certes, d’un point de vue technique, Lulling avait raison – Barroso était le seul candidat proposé par les 27 chefs d’Etat, socialistes inclus, du Conseil européen. D’un point de vue politique par contre, c’est quand même un peu faible. Nous ne souhaiterons donc pas, comme l’a fait Jean-Claude Juncker, que José Manuel Barroso puisse « inscrire son action dans la continuité compte tenu de la période difficile que nous traversons actuellement ». De cette continuité là, on en a assez.


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