PROCHE-ORIENT: Condamner oui, agir non?

Manif au centre européen le lundi, débat à la Chambre le mardi – le conflit israélo-palestinien ne passe plus à côté du Grand-Duché. Impossible donc de ne plus prendre position.

C’est rare et c’est d’autant plus remarquable: la Chambre des Député-e-s a adopté à l’unanimité une motion invitant le Gouvernement à „oeuvrer au sein des institutions nationales afin de demander aux parties en conflit de cesser immédiatement les violences, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU“. Mais l’unanimité parlementaire ne se limite pas à ces voeux pieux, elle devient relativement concrète si l’on analyse certains dispositifs de la motion adoptée: en effet, à côté d’une garantie pour la sécurité d’Israël, les député-e-s font leur la revendication d’un „Etat palestinien viable et démocratique, à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues“.

Si la motion ne définit pas de façon précise les limites d’un tel Etat palestinien, il était frappant que les orateurs des différents partis politiques aient fait largement référence aux frontières telles qu’elles existaient avant la fameuse guerre des six jours de 1967. Israël y avait occupé la Cisjordanie et la bande de Gaza.

La motion condamne fermement les attentats-suicides palestiniens dirigés contre les civils israéliens et souligne la „nécessité pour le Président Yasser Arafat de coopérer activement à la mise en place de structures de sécurité pour arrêter enfin“ ces mêmes attentats. Mais elle n’est pas tendre avec les Israéliens non plus, évoquant l’occupation et la destruction de villes et de villages palestiniens, la mise à sac d’infrastructures, ainsi que l’humiliation systématique de la population palestinienne.

Se basant sur les „témoignages concordants de la Croix-Rouge Internationale, d’Amnesty International, de Médecins sans Frontières, de Caritas Internationale et d’autres ONG“ présentes sur le terrain, les député-e-s mettent en avant le comportement inacceptable de l’armée israélienne et font même état de violations graves des Droits de l’Homme.

De l’intervention…

Comment donc arrêter les violences? Si les parlementaires ne donnent pas de réponse à cette question préoccupante, ils demandent cependant „que des mesures soient envisagées en ce qui concerne l’envoi d’une force internationale d’interposition et d’observation dans la région sous la conduite de l’ONU“.

„Envisager des mesures“ – cela reste suffisamment vague pour que même les député-e-s de la majorité puissent souscrire à une telle revendication. Mais cela dépasse l’approche de notre Ministre des Affaires Etrangères, Lydie Polfer, qui ne parle que „d’observateurs“, qui devraient vérifier „la réalité du cessez-le-feu“. Israël a refusé jusqu’à présent une force d’intervention et les Etats-Unis ont avorté par leur droit de veto toutes les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU allant dans cette direction.

Difficile donc d’imaginer que la diplomatie luxembourgeoise suivra la demande du Parlement. Deux jours avant le retour du Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, Colin Powell, Lydie Polfer a continué à porter tous ses espoirs sur l’issue de cette mission, alors que les Israéliens n’ont toujours pas commencé à se retirer des territoires nouvellement occupés.

Pire encore, lors du séjour de Powell dans la région, de nouvelles incursions ont eu lieu et un des proches de Yasser Arafat, Marwan Barghouti, a été arrêté. Alors qu’Arafat reste „intouchable“ pour Sharon, Barghouti est présenté comme étant l’un des principaux artisans des attentats-suicides.

Or au début des années 90 Barghouti était un des plus fervents défenseurs du processus d’Oslo. Dans un récent article au Washington Post il s’est défendu d’être un terroriste: „Je ne cherche pas à détruire Israël, mais seulement à mettre fin à l’occupation de mon pays.“

Jean Huss, des Verts, a condamné cette arrestation et a exigé qu’Israël traite son prisonnier avec tout le respect nécessaire. Pour le socialiste Ben Fayot, la méthode Sharon, à savoir la destruction systématique de l’autorité palestinienne, va justement à l’encontre du but affiché: la sécurité pour l’Etat d’Israël. Le sentiment d’impuissance et d’humiliation parmi la population palestinienne est renforcé. Un désespoir, qui constitue la base d’une logique suicidaire, commune à tous ceux qui n’ont plus rien à perdre.

… au boycott

Si la motion de la Chambre invoque aussi l’accord d’association euro-méditerranéen entre l’Union européenne et Israël comme l’un des instruments capable de ramener le gouvernement Sharon à la table des négociations, les député-e-s étaient loin d’être unanimes sur un boycott économique envers l’Etat d’Israël.

Contrairement à l’idée d’une force d’intervention, de telles mesures économiques pourraient être décidées de façon unilatérale, sans qu’il y ait consentement des Etats-Unis. C’est pourquoi, le parti des Verts avait déposé une résolution, qui demandait „d’envisager de suite des sanctions économiques au niveau européen et international à l’encontre de l’Etat israélien, si celui-ci continue sa politique d’occupation répressive“. Le POSL et la Gauche se sont joint à cette revendication, alors que les porte-parole du parti libéral et du PCS (Paul Helminger et Marcel Glesener) ont refusé d’aller dans cette direction.

Leur argument, repris par la Ministre des Affaires Etrangères, est que l’image de marque de l’Europe auprès des citoyen-ne-s d’Israël est déjà très négative. D’ailleurs, Sharon ne veut rien entendre d’une participation européenne à une éventuelle conférence de paix régionale. Un appel au boycott européen risquerait de renforcer cette position anti-européenne et laisserait aux seuls Américains le droit d’initiative dans la région.

L’opposition parlementaire ne l’a pas vu ainsi: seule une position ferme et unie permettra à l’Europe de jouer à nouveau un rôle dans cette partie du monde. Mais, comme l’a montré la réunion du Conseil des Ministres des affaires étrangères, lundi dernier, une unanimité à ce sujet ne se fera probablement jamais.


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