CINEMA: Une « Victoire » pour tous

Jeune luxembourgeoise de 26 ans, Victoire Metzler est en train de se faire un nom en tant qu’actrice. Dans la production franco-germano-autrichienne « Forevermore » elle tient son premier grand rôle. Au woxx, elle explique sa vision du métier d’actrice et comment elle se retrouve personnellement dans le monde des acteurs.

Victoire Metzler en costume historique en train de jouer son rôle d’Alma Mahler sur le tournage à Vienne.

woxx : Vous venez de terminer le tournage du film « Forevermore » au Luxembourg. De quoi s’agit-il ?

Victoire Metztler : Il s’agit de l’histoire d’amour entre la pianiste autrichienne Grete Trakl et le poète autrichien Georg Trakl, donc entre frère et soeur. L’histoire est tragique parce que même si à un moment donné dans le film ils arrivent à s’unir, ils ne peuvent ni rester ensemble ni être l’un sans l’autre. Finalement, on se rend compte très vite que le sujet n’est pas forcément l’inceste, mais plutôt une histoire comparable aux tragédies grecques. Il n’y a pas de message moral ou politique. C’est une histoire d’amour qu’on ne vit pas dans la vie normale. Le film est basé sur l’histoire réelle de Grete et Georg – même si leur relation n’est toujours pas prouvée historiquement. Cependant, j’aime bien le scénario et la manière avec laquelle le régisseur Christoph Stark le met en scène, car il diffère de ce qui est purement biographique. Par exemple, en 1911 Alma Mahler et Oskar Kokoschka ne se connaissent pas encore vraiment, mais dans le film ils représentent une relation miroir à celle de Grete et Georg, un amour tragique. La fiction ne me dérange pas car ici c’est du cinéma. Pour montrer la réalité propre il faut faire un documentaire.

« La fiction ne me dérange pas car ici c’est du cinéma. »

C’est vous qui jouez l’Autrichienne Alma Mahler. Pouvez-vous vous identifier avec votre rôle ?

M’identifier avec mon rôle ? Pas du tout ! Mais c’est un personnage historique et en tant qu’actrice, il est intéressant de pouvoir mener des recherches et lire la biographie. J’ai lu plusieurs biographies d’Alma Mahler et elle disait souvent dans son journal intime qu’elle n’aimait pas la musique de son premier mari Gustav Mahler et que Gustav n’aimait pas non plus la musique d’Alma. J’ai essayé d’écouter les deux afin de savoir ce qu’elle n’aimait pas dans la musique de son mari et ce qu’elle préférait dans ses propres compositions. Pourtant, je peux me reconnaître dans certains traits de caractère du personnage que j’interprète. Avec Alma Mahler c’est notamment sa manière de rester froide dans certaines circonstances. C’est-à-dire que, d’un côté elle était une femme assez moderne dans cette société d’hommes et elle savait se débrouiller. Mais de l’autre elle était très réservée, quelqu’un qui pouvait se déchirer intérieurement sans montrer ses sentiments à l’extérieur. Ce sont les points où je me suis identifiée.

Quelle était la difficulté du rôle actuel par rapport à ceux que vous avez joué précedemment ?

C’est un des plus grands rôles que j’ai joué jusqu’à présent et c’est aussi le rôle qui demandait le plus de préparation. Je ne peux pas lire ma scène et y aller – on me donne un costume et ça marche. Comme c’est un film historique cela exige plus de travail préalable. En même temps c’est l’aspect historique qui est le plus intéressant par rapport aux autres films. Tourner en costume historique et avoir des accessoires d’époque, se faire mettre des bigoudis pour une demi heure et être maquillé, cela aide à se retrouver dans son rôle. Et à Vienne, par exemple, je me retrouvais justement par hasard devant le « Rathaus » où Alma s’est mariée avec son troisième mari Franz Werfel et je me suis dit que 80 ans auparavant elle est passée au même endroit que moi. Tout cela aide à interpréter le rôle.

Et lorsque vous n’êtes pas devant la caméra, que faites vous dans la vie ?

Je n’ai pas d’autre profession mais j’ai terminé ma licence en psychologie clinique à Paris VII et je vais continuer mon master cette année. La psychologie clinique a une orientation psychanalytique et n’est donc pas de la psychologique comportementale. C’est très intéressant parce qu’en tant qu’actrice – ainsi que Freud le disait – on fait une sorte d’analyse parce qu’on est toujours amené à se demander qui on est, pourquoi on fait cela et de quelle manière. Finalement on réfléchit beaucoup sur soi-même. Lorsqu’on joue, on est son propre instrument. En 2006, j’ai accédé au troisième tour du Conservatoire national de Paris, par exemple, qui est un concours assez difficile. Là vous vous vendez ; vendre au bon sens du terme. Car une partie du concours consiste à se présenter devant le jury : Victoire Metzler. Qui est-elle ? Qui suis-je en 2006 ? Qu’est-ce que j’ai envie de montrer ? Quel est le caractère qui m’intéresse ? Quels sont mes rôles ? A la fin du compte, on est souvent en train de s’analyser. Quand j’étais encore à Paris, j’ai fait des stages avec des patients et j’ai travaillé avec des préadolescents en thérapie. Ce genre de travail amène aussi à se questionner sur soi. En tant qu’individu – peu importe ce qu’on est – c’est très enrichissant. Cela m’aide beaucoup en tant que comédienne.

Devenir actrice, était-ce toujours votre métier de rêve ?

Oui, je voulais être actrice depuis que j’avais trois ou quatre ans. Le premier film que j’ai vu était « L’ours » de Jean-Jacques Annaud. J’ai pleuré quand il y avait la scène avec le petit ours et j’ai beaucoup aimé ce film. Pour moi cela a été l’élément déclencheur parce qu’il y avait de l’émotion dans le film et je voulais transmettre la même émotion. Le but est – comme au théâtre – que ce ne soit pas vous qui pleurez sur scène mais les spectateurs qui pleurent dans la salle. A partir de sept ans j’ai joué du théâtre à Strassen et après j’étais au Conservatoire de Luxembourg. Après la terminale je me suis tout de même inscrite en médecine parce que mes parents sont médecins. Je n’ai jamais vraiment su quelle voie suivre et j’ai toujours hésité. C’est sûrement aussi pourquoi j’ai étudié la psychologie clinique. Mais je me sens quand même fortement actrice. En psychologie, pouvoir écouter les gens : soit on l’a, soit on ne l’a pas. En tant que comédienne c’est pareil : soit on a un certain don soit on ne l’a pas.

Quels sont pour vous les enjeux du métier d’acteur?

C’est un métier assez particulier parce que même si c’est un travail, cela entre aussi dans le domaine privé. Il y a toujours des relations personnelles et vous vivez des choses tellement intenses par rapport à un travail dans un bureau où vous n’avez pas forcément besoin de l’autre. Le premier jour du tournage vous ne connaissez personne et vous devez faire confiance à l’autre qui vous habille et maquille. Donc il est important de bien s’entendre. Au cinéma, il y a des hauts et des bas. Il est par conséquence important d’avoir quelque chose à quoi se raccrocher : une famille, des enfants ou des amis qui garantissent une vie stable. Pour moi, le fait d’étudier était important parce que j’avais aussi envie de voir l’université et la vie estudiantine.

« Le but est que ce ne soit pas vous qui pleurez sur scène mais les spectateurs qui pleurent dans la salle. »

En tant qu’acteur ou actrice d’origine luxembourgeoise, quelles difficultés se posent quant à une carrière ici et à l’étranger ?

Concernant les castings en France, les directeurs travaillent essentiellement sur photo, alors qu’en Allemagne on a la chance de pouvoir les rencontrer. J’aimerais bien continuer à travailler en France car j’ai habité longtemps à Paris – mais je n’y trouve pas vraiment mon équilibre. Maintenant j’habite à Berlin et je préfère être en Allemagne parce que j’ai l’impression d’être chez moi. Le réseau cinématographique ici au Luxembourg commence aussi à se développer : Jules Werner, qui joue Oskar Kokoschka, est un bon exemple d’acteur luxembourgeois. Grâce à la coproduction transfrontalière, les tournages arrivent au Luxembourg et on fait maintenant des castings ici. Malheureusement souvent uniquement pour de petits rôles. J’avais un casting pour le petit rôle de la prostituée dans « Forevermore ». Puis j’ai rencontré Christophe Stark et deux semaines après il m’a appelée pour me demander si je voulais jouer Alma Mahler. C’était une bonne surprise parce que dès le début ce rôle secondaire était un de mes préférés.

Au Luxembourg, on vous croisera donc plus souvent ?

J’aimerais retourner au Luxembourg pour des projets de cinéma ou une production de théâtre, mais je n’ai – à part ma famille et mes amis – plus vraiment de liens ici. Ma vie est à Berlin. Mais j’aime bien loger à l’hôtel, y préparer mon rôle, que le chauffeur vienne me chercher le matin pour m’emmener sur le tournage. L’idée de tourner ailleurs que chez soi me plaît. On n’est pas dans ses repères mais dans une ville inconnue et on est seule dans la chambre, seule à manger, seule à dormir. Parfois c’est très agréable. J’aime bien aussi l’atmosphère des aéroports et des gares parce que tout le monde est en train d’arriver ou de partir. Ce sont des lieux souvent empreints d’émotions et ça me nourrit.

Vos plans futurs se dirigent donc plutôt vers l’étranger. Sur scène ou devant la caméra ?

Théâtre d’abord. Plus précisément une pièce de Christoph Nussbaumeder qui s’appelle « Ich werde nicht sterben/ An meinem Bett ». Concernant le cinéma, en tant que comédienne rien n’est prévu encore mais cela peut changer vite. On peut être un jour sans rôle, et le lendemain avoir un rôle de premier plan. En ce moment je travaille sur un projet de court-métrage que j’aimerais bien réaliser car j’ai déjà joué dans ce genre de film alors que je n’en ai jamais réalisé moi-même. On verra, parce que parfois les idées viennent très vite mais le temps manque toujours. En tout cas je ne suis pas pressée. D’abord je retourne à Berlin, chez moi.


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