POLLUTION A PETANGE: Que faire contre la SLR?

Au bout d’un procès de deux ans, le match des habitant-e-s de Pétange contre la SLR, qui semblait gagné, a été perdu. Après des années de brouille, la commune et la Biergerinitiativ vont-elles réunir leurs efforts pour limiter les dégats?

Zone verte, zone de m…

Jean Hermes a l’air énervé. Le président de la „Biergerinitiativ Kordall“ est debout, au milieu des citoyen-ne-s venu-e-s assister à la réunion d’information organisée par la commune de Pétange. „Nous avons combattu la SLR pendant 14 ans. Et voilà que la Cour administrative vient de leur donner gain de cause, parce que la commune et le ministère n’ont pas mis tous les éléments sur la table.“ Pol Urbany, qui a plaidé l’affaire contre la Société lorraine de revalorisation (SLR), a beau imputer tout à la cour, Jean-Marie Halsdorf, le bourgmestre, peut multiplier les appels à renouer le dialogue et à oublier le passé, rien n’y fait. Jean Hermes et les membres de la Biergerinitiativ restent sceptiques. „Nous avons l’habitude des belles paroles. Oui à une collaboration renouvelée, mais nous jugerons sur les actes“, déclare le président au woxx.

La SLR, c’est une affaire qui a marqué la vie politique à Pétange. La société exploite un ancien crassier situé à cheval sur la frontière franco-luxembourgeoise, à proximité de la localité de Rodange. Depuis plus d’une dizaine d’années, les riverain-e-s tentent de limiter voire de mettre fin aux nuisances: bruit et poussières occasionnés entre autres par le concassage et l’enlèvement des scories.

En 1989, puis en 1995, le ministère de l’environnement avait fermé le site du côté luxembourgeois, mais depuis 1996 la SLR dispose d’une autorisation du côté français. En 2000, la société présenta une demande d’autorisation au Luxembourg. Jean-Marie Halsdorf, nouvellement élu et soucieux de faire mieux que ses prédécesseurs, s’allia avec la Biergerinitiativ pour faire pression: plus de 8.000 signatures d’habitant-e-s furent recueillies contre le redémarrage des activités du côté luxembourgeois. Cette mobilisation valut à Jean Hermes un procès pour diffamation, ou plutôt un „procès d’intimidation“ (voir woxx no 698). En juin 2000, le ministère refusa l’autorisation. Depuis, l’affaire était devant les tribunaux. Le 11 mars, la Cour administrative a décidé en dernière instance que l’autorisation devait être accordée.

Interdit de refuser

Le principal argument du refus d’autorisation était que le crassier se trouve dans une „Zone verte de protection“, incompatible selon la loi luxembourgeoise avec des installations fixes telles que le concasseur demandé par la SLR. En cours de procédure, la société déclara renoncer aux installations fixes. La cour, plutôt que de renvoyer le dossier auprès du ministère, décida de trancher en faveur de cette demande d’autorisation remaniée.

„Il est inadmissible que la Cour administrative ait autorisé un ’splitting du dossier'“, critique la Biergerinitiativ. Ce qui l’excède encore bien plus, c’est que la cour n’ait pas tenu compte du second argument du ministère: le crassier ayant servi de dépôt pour des déchets dangereux, les activités prévues par la SLR seraient incompatibles avec le principe de précaution. Se référant aux analyses ayant mis en évidence de fortes concentrations de métaux lourds sur le crassier, l’association écrit: „Ainsi donc en 1995 la pollution du site était suffisante pour en décider la fermeture, et, depuis lors, aucune activité n’ayant eu lieu sur ce site, en mars 2003, la Cour administrative conclut ‚à un manque d’indices concrets‘!!!“

Négligences?

Mais elle ne s’emporte pas seulement contre la cour. La commune, en particulier l’échevine Simone Barnig, responsable de l’environnement, aurait tenu à l’écart la Biergerinitiativ tout au long du procès. Et se serait ainsi privée de l’expérience et du savoir-faire de l’association. Or, des „négligences“ et des „manquements graves“ auraient été commis, contribuant à la perte du procès. Deux documents importants de 1989 et de 2001, confirmant la présence de substances toxiques sur le site, n’auraient été transmis à la cour qu’avec retard ou pas du tout.

C’est à ces reproches, présentés lors d’une conférence de presse conjointe avec le Mouvement écologique vendredi dernier, que les autorités communales ont été confrontées lors de la réunion d’information de mardi. Concernant les analyses de 1989, Claude Geimer, représentant du ministère de l’environnement, a assuré qu’elles se rapportaient à des monceaux de matière ayant été enlevés depuis. Pour ce qui est des résultats du biomonitoring de 2001, la réponse a été plus évasive. Un échantillon de terre prélevé sur le crassier avait comporté une forte teneur en métaux lourds. Pol Urbany a expliqué que des mesures effectuées par un institut travaillant pour une des parties n’avaient qu’une faible valeur juridique. De surcroî t, la prise d’échantillons sur le crassier sans autorisation de la SLR poserait un problème de légalité. Les analyses de 1995, dont disposait la cour, seraient bien plus pertinentes que celles de 2001 comportant un „élément contre-productif“. „Au lieu de polémiquer sur une faute supposée qui aurait tout fait échouer, il faut regarder de l’avant“, a-t-il conclu.

En effet, la cour, tout en obligeant le ministère à accorder l’autorisation, lui a laissé le soin de formuler les conditions d’exploitation et a même précisé: „La fermeture du chantier en cas de risque survenant est d’ailleurs possible.“ Mardi soir, Claude Geimer a révélé que le document d’autorisation venait d’être signé. „Nous avons imposé des conditions strictes, notamment des prises d’échantillons pour chaque lot d’extraction, un plan de stabilisation du site et des mesures de protection de l’air et de l’eau“, a-t-il assuré. De plus, la SLR devra enlever les installations fixes existant actuellement.

La Biergerinitiativ avait prévenu: elle introduirait des recours si l’autorisation ne tenait pas suffisamment compte de la santé publique. N’ayant pas encore étudié le texte en détail, Jean Hermes réserve son jugement. „Il faudra voir si la densité des d’échantillons prescrite est suffisante, notamment dans le cas de contaminations de petite taille“, remarque-t-il. Un autre aspect l’inquiète: la condition „concernant la réintégration du site du crassier dans le milieu environnant“ mentionne des „matériaux à utiliser en relation avec le profilage et la recultivation du site“. „Quels matériaux? Même si un dépot de matières inertes (‚Bauschutt‘) supplémentaire arrangeait le ministère, cela serait inadmissible. Nous nous sommes battus pendant des années pour que le ministère et la SLR renoncent à une telle affectation.“ Avec les années, Jean Hermes est devenu méfiant.


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