MICHEL GONDRY: Marrante, la bébête

Effets visuels à la Gondry, superhéros nuls ou presque, histoire de deux potes trentenaires pas encore vraiment adultes, « The Green Hornet » est une adaptation originale d’un personnage des DC Comics.

Kato à la baston, Brad au volant. Croyez-nous, mieux vaut cela que le contraire.

Les superhéros modernes, dont les ancêtres se nomment Ulysse, Hercule ou Achille, ont été déclinés par le cinéma à plus ou moins toutes les sauces. Si le « Superman » des années 70-80 restait fidèle au personnage des « comics », Tim Burton a fabuleusement redonné sa profondeur à « Batman » perdue dans la série psychédélique des années 60, qui faisait la part belle à un héros en pyjama presqu’aussi ridicule que les ennemis qu’il combattait. « Batman » à nouveau, cette fois-ci à la sauce Nolan (éclipsons les navrantes versions de Schumacher), fut le prétexte à une psychogénèse tant du héros (« Batman Returns ») que de son principal adversaire, le Joker (« The Dark Knight »). Le tout sans oublier une autre catégorie, celle des anti-héros, comme l’excellent « Kickass », relatant l’histoire d’un jeune homme rêvant de devenir un superhéros, sans pour autant en avoir les capacités, réalité oblige.

Non seulement « The Green Hornet » entre dans cette catégorie, mais il l’explose. Car à l’opposé de « Kickass », où le film reste fidèle au « comic », le « frelon vert » version Michel Gondry détourne allègrement le personnage original qui fit ses débuts dans des émissions radiophoniques avant de s’illustrer sur les planches à phylactères et dans une série télévisée qui connut un succès mitigé, ne devant son statut de « culte » qu’à la présence du légendaire Bruce Lee dans le rôle de Kato.

Les producteurs auraient tout aussi bien pu ajouter un sous-titre à cet ovni déjanté : « The Green Hornet ou l’histoire de deux ados attardés qui s’ennuient ». Bon, il nous faut nuancer – des deux comparses, il n’y en a vraiment qu’un seul qui soit bon à quelque chose : le « sidekick », « fidèle et loyal compagnon » qui préfère le qualificatif de « directeur exécutif associé », à savoir Kato (Jay Chou), mécanicien de génie et expert en arts martiaux. Celui-ci se retrouve seul dans la vaste demeure du principal éditeur de presse de Los Angeles, James Reid (Tom Wilkinson), avec le rejeton de ce dernier, sorte de playboy oisif et ultrafriqué, Brad Reid (Seth Rogen). Mais le destin de cet éternel fêtard va changer du jour au lendemain, lorsque le patriarche travailleur et bardé de principes intangibles meurt mystérieusement assassiné, ne laissant par la suite que sa statue mortuaire, telle celle du Commandeur, planer au-dessus de la conscience de son domjuanesque de fils .

Mais bon, que faire lorsque l’on atteint la trentaine et que l’on a mené jusqu’à présent une vie de célibataire milliardaire où les seuls choix cruciaux que l’on doit trancher sont de savoir avec quelle fille superbe, de la brune ou de la blonde, l’on va passer la nuit ? Continuer comme ça, certes. Mais cette option est apparemment ennuyante, surtout lorsque le réalisateur envisage de tourner un film d’action. En plus, le seul ami qui vous reste, à supposer que vous en ayez jamais eu, est un pauvre immigré chinois dont les talents exceptionnels, comme construire des voitures-gadgets et des machines à cappuccino ultrasophistiquées ne sont pas exploités à leur juste valeur ? Et bien, l’on forme un duo de superhéros, comme Batman et Robin, mais dans la vraie vie et pour le fun !

Car voilà : si Batman est lui aussi un riche héritier et que son train de vie diurne de playboy jet-setteur n’est qu’une façade, c’est pour mieux mener à bien un combat viscéral, celui de la justice. Batman y croit et ne peut faire autrement. Son alter ego le dégoûte même. Ce n’est pas vraiment le cas de Brad Reid : non seulement veut-il prouver à son défunt père, qu’il n’appréciait que moyennement, qu’il peut servir à quelque chose, mais il cherche à assouvir ce plaisir de gosse qu’est de se déguiser pour mieux botter les fesses aux méchants. Et Kato, bien plus brillant mais tout aussi « adulescent », dont les seules compagnes semblent être les filles sexy qu’il dessine au crayon, veut lui aussi s’amuser avec son pote.

S’amuser et se battre. Car s’ils rencontrent quelques premiers vrais succès dans leur combat contre le crime organisé, ils sont tout aussi capables de démolir un appartement en se tapant dessus à l’image de l’inspecteur Clouseau et de son compagnon chinois qui lui aussi s’appelait Kato. Et tout cela pour une histoire de fille et de valorisation au sein du duo.

Ce cocktail a tout d’un pastiche potache jubilatoire, d’un amusement cinématographique. Et c’est le cas. Nul besoin est de préciser que Christophe Waltz excelle dans son rôle de mafieux traversant une crise de la cinquantaine avant de décider de devenir un « superméchant ». D’ailleurs, le film tout entier aurait pu être qualifié d’excellent, si ce n’est toutefois une accumulation de faiblesses de scénario vers la fin que la surenchère d’action ne cache que difficilement.

A l’Utopolis et au CinéBelval.


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