ÉLECTIONS PORTUGAISES: Les urnes ne parlent plus

Entre résignation, révolte et lassi-tude, les Portugais-e-s viennent de porter la droite au pouvoir. Et la gauche de la gauche n’a pas su tirer avantage de la situation de crise.

Dimanche soir, les « Homens de luta » (Hommes de la lutte), sont allés chanter devant le siège du parti de centre-droit portugais, le PSD, qui venait de remporter les élections législatives. Titre de leur chanson : « A luta continua ». Candidate à l’Eurovision, leur chanson « A luta é alegria » (La lutte, c’est la joie) n’a même pas été qualifiée pour la finale. Ils déclamaient pourtant pour toute l’Europe et non pas seulement pour leur pomme.

Ce qui se passe au Portugal nous concerne tous, à moyen et long terme. Et ce non seulement à cause des attaques conjuguées du FMI, de l’UE et de la BCE (la fameuse « troïka ») contre ce pays. Car finalement, que s’est-il passé dimanche dernier ? Une victoire de la droite avec un PSD passant de 29,1 à 38,6 % et son partenaire de coalition, le CDS-PP, représentant la droite dure, qui passe de 10,4 à
11,7 %. Evidemment, le Parti socialiste du premier ministre José Sócrates a chuté, passant de 36,6 à 28 %. Restent les deux partis de « l’autre gauche » : le Parti communiste PCP, allié aux Verts, est resté stable avec près de 8 %, réussissant néanmoins à passer de 15 à 16 député-e-s. Par contre, pour le Bloc de gauche (BE), alliance formée en 1999 entre trotskistes, maoïstes et anciens du PCP, le choc a été rude : il passe de 9,8 à 5,2 %, perdant la moitié de ses 16 sièges. Autre donnée importante : l’abstention a battu tous les records en atteignant 41 %.

La défaite du PS n’a rien d’étonnant : c’est ce parti, à l’instar de son homologue grec, qui s’est soumis au diktat des marchés financiers en appliquant leur politique. Effet de pendule : des électeurs mécontents punissent le centre-gauche en le remplaçant par le centre-droit. Quant aux plus mécontents, ils refusent tout simplement d’aller voter, ne croyant plus au système politique en place. Le gouvernement Coelho sera encore moins légitime que celui de son prédécesseur : de toute façon, en Europe, centre-droit et centre-gauche sont entre-temps les deux faces du même Janus.

Dans toute cette histoire, les grands médias jouent un rôle pernicieux. Consciemment ou inconsciemment, ils relayent l’idée qu’il n’y aurait aucune alternative aux cures de privatisation et d’austérité, faisant de temps à autre bonne grâce aux voix discordantes en leur accordant quelques minutes. Ce fut le cas au Portugal lors de cette campagne où les citoyens ont oscillé entre révolte et lassitude, voire fatalisme, acceptant parfois ces « sacrifices » présentés comme inéluctables.

Quant aux alternatives politiques de gauche que pourraient constituer le PCP et le BE, les seules forces parlementaires en rupture avec le système néolibéral, elle ne parviennent pas à s’imposer, alors qu’elles devraient concorder avec le ras-le-bol populaire. Le PCP peut se targuer non seulement de son passé glorieux (dont la résistance à la dictature), mais également d’une forte implantation populaire, d’un syndicat qui lui est proche et d’une presse hebdomadaire. Le BE, plus jeune et moins structuré, possède certes une capacité à mobiliser un électorat équivalent en nombre mais bien plus volatile. S’y est rajouté probablement une erreur stratégique de taille : le « Bloco »a soutenu, lors de l’élection présidentielle en janvier de cette année, le candidat du PS. Certes, Manuel Alegre est une figure historique de la gauche de ce parti, mais malgré tout, et malgré lui, il est identifié à sa politique. Le message du BE s’en est trouvé brouillé : d’un côté, une opposition radicale au gouvernement, de l’autre, un soutien ambigu et probablement calculé pour les voix des déçus du PS. Des déçus qui ont préféré bouder les urnes ou soutenir vaille que vaille et malgré tout un PS face à un PSD encore plus libéral.

Passos Coelho ne devrait pas se réjouir trop vite. Puisque la classe politique préfère voir la politique se faire à Washington, Francfort ou Bruxelles plutôt que dans les urnes, c’est la rue qui, en retour, pourrait congédier ce gouvernement à faible légitimité populaire . « A luta continua. »


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