AVORTEMENT: Cartes rebattues

Le dossier de l’avortement est désormais l’objet d’une négociation entre les partenaires de la coalition. La pression de l’opinion publique et de la société civile a-t-elle porté ses fruits ?

Cela pourrait devenir intéressant : en additionnant les sièges des quatre partis favorables à une
libéralisation de l’interruption volontaire de grossesse (LSAP, DP, déi Gréng, déi Lénk), l’on arrive à 30. C’est en toute logique le même nombre pour le camp adverse, le CSV et l’ADR. Le Collectif « Si je veux » ne s’y trompe donc pas lorsqu’il « exige » du gouvernement ainsi que des partis politiques de « respecter strictement le noble (sic) droit de chaque député-e de n’être lié dans sa décision que par sa conscience individuelle ».

Petit retour en arrière : après de longs déchirements au sein de la coalition CSV-LSAP au sujet de la proposition de loi « Err-Huss » légalisant l’euthanasie, accompagné de débats tout aussi passionnés dans l’ensemble de la société, la coalition s’était accordée à ne pas faire valoir le vote de groupe, laissant à chaque député-e la possibilité de voter en son âme et conscience.

Ce scénario pourrait-il se reproduire avec un sujet tout aussi symbolique et sensible pour l’électorat conservateur qu’est l’avortement ? En tout cas, la pression ne fait que croître, à tel point que le ministre en charge du dossier, François Biltgen (CSV, Justice), s’est publiquement « déssaisi » de la patate chaude la semaine passée, la refilant aux présidents des deux partis de la coalition, les appelant à trouver un accord. La manière de faire a cela d’étonnant que Biltgen, visiblement exaspéré, l’a fait en public, car il n’y a rien de très original à ce que les partis de coalition négocient en coulisse des compromis.

L’on peut comprendre que Biltgen soit dépassé. En effet, l’accord de coalition, s’il prévoyait une réforme de l’IVG, n’a pas pour autant été explicite sur les détails. Et il semblait clair qu’une libéralisation totale était exclue. D’ailleurs, lors du dépôt du projet de loi du ministère – qui ne dépénalise pas l’avortement, mais « assouplit » les conditions le permettant – il n’y a eu que peu de contestations. En bon partenaire de coalition, Alex Bodry, le président du LSAP, a estimé que le projet était acceptable et son camarade de parti, le vice-premier Jean Asselborn, s’est emporté – avant de s’excuser – en traitant de « gauchistes » les partisans d’une dépénalisation.

Il aura aussi fallu un certain temps aux partisans de la dépénalisation pour que leur action porte ses fruits. Avec la création du « Collectif – Si je veux ! », le travail de pression a peu à peu fait bouger les lignes : jusqu’à au sein des rangs socialistes, qui ne peuvent se permettre de perdre la face en soutenant le projet Biltgen, décrié de toutes parts. D’autant plus que d’autres réformes qu’ils soutiennent ou ont soutenu (index, réformes des retraites, réforme de la fonction publique) entament sérieusement leur popularité. Et l’on peut parier qu’un recul du CSV sur la question de l’avortement se ferait au détriment d’autres dossiers. La question agace les socialistes : s’ils se sont réveillés un peu tard, ils se targuent néanmoins d’avoir réussi à faire accepter au CSV une remise à plat des négociations. Et c’est par leurs sections de jeunesse interposées que les partis se font la guéguerre : tandis que les Jeunesses socialistes s’en prennent aussi bien à Biltgen, ils appellent l’opposition à reconnaître leurs efforts et de cesser leur « propagande électorale ». Ce à quoi les jeunes pousses des Verts répondent que les partis de la coalition – et donc le LSAP – devaient enfin proposer une loi « correspondant aux aspirations de la société ». Ce qui, et les Verts devraient en être conscients, n’est pas si évident lorsque l’on est allié aux troupes junckériennes.


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