GOOGLE + CONTRE FACEBOOK: Ajouter au Circle ?

Un nouveau réseau social vient concurrencer Facebook. Créé par l’empire informatique Google, il bénéficie de potentialités immenses, mais risque de faire définitivement voler en éclats la protection des données personnelles.

Les Circles expliqués aux esprits carrés. Copie d’écran de la présentation en ligne de Google+.

L’innovation … certains types de produits sont arrivés à maturité – une friteuse de 2011 fait la même chose que le modèle d’il y a vingt ans, d’autres sont en pleine évolution : chaque nouvelle génération d’iphones par exemple, apporte de nouvelles fonctionnalités. Cela ne dépend pas seulement du secteur : Les voitures hybrides sont sans doute plus innovatrices que les PC « Sandy bridge », avec la dernière génération de processeurs. Dans le domaine des technologies d’information et de communication, c’est plutôt du côté des logiciels et des nouvelles manières d’utiliser les outils existants qu’il faut chercher les « produits » innovateurs.

Le dernier événement en la matière a été le lancement, fin juin, de Google +, un réseau social en ligne du même genre que Facebook. Le moment est doublement favorable. D’un côté, les technologies et les mentalités sont prêtes pour un recours de plus en plus poussé au « cloud », c’est-à-dire à des données et des logiciels localisés sur internet. De l’autre, Google, après s’être établi comme numéro un des moteurs de recherche, a misé sur le « cloud computing », avec des applications comme Gmail, Picasa, les Google Apps ainsi que le navigateur Chrome. Et il semblerait qu’après quelques tentatives échouées de lancer un réseau social, celle-ci soit la bonne : dix millions d’utilisateurs deux semaines après le lancement, le double dès le 21 juillet, et un dépassement probable de la barre des cinquante millions à la fin du mois.

Friend ou connard

Le magazine spécialisé allemand « ct » consacre un dossier à ce phénomène, ainsi que son éditorial : on s’y gausse de ceux qui hésitaient à s’inscrire à Facebook, mais qui se précipitent sur Google + – tout aussi vorace en matière de données personnelles, parce que l’accès y est limité. En effet, dans un coup de génie combinant contraintes techniques et marketing, Google a limité l’accès à son nouveau réseau – « sur invitation seulement ». Mais les journalistes allemands ont réussi à se faire inviter, et donnent une première évaluation de Google +, notamment en le comparant à Facebook.

Première différence : l’approche asymétrique des relations sociales au sein de la nouvelle plateforme. Dans Google +, pas de « Friends » … si une autre personne veut suivre ce que vous faites, elle vous inclut simplement dans un de ses « Circles », des cercles d’individus. Vous recevrez une notification, et vous pourrez à votre tour l’inclure dans un ou plusieurs Circles, ce qui vous permettra de contrôler les informations que cette personne reçoit – en effet, pour chaque contribution que vous mettez en ligne, vous choisissez si elle est « publique » ou limitée à certains Circles. Selon « ct », cela permettra de résoudre certains dilemmes facebookiens, comme celui de l’adolescent recevant un « Friend request » de sa mère, ou le salarié de son chef. Dans Google +, plus besoin « d’oublier » de répondre, vous incluez le requérant dans un de vos Circles – dont le nom ne lui sera heureusement pas communiqué, qu’il s’appelle « Vioques » ou « Connards ».

Autre avantage par rapport à Facebook, l’intégration du réseau social avec les autres services de l’univers Google. Ainsi, à la place du bouton « Like », on utilise un « + 1 », qui va être pris en compte par le moteur de recherche lors de requêtes de l’utilisateur et de ceux qui lui sont liés par les Circles. Petit bémol : les informations sur les sites qu’on visite et apprécie seront accessibles aux Circles … et précieusement conservées par la « pieuvre » Google elle-même afin « d’améliorer la gestion de votre profil ». La gestion d’images en ligne Picasa est également intégrée. Par contre, le Google Calendar ne l’est pas encore. Une des innovations les plus spectaculaires vise directement Facebook et ses partenaires Skype et Microsoft : le « Hangout », système de vidéoconférence gratuit, tandis que le concurrent n’offre que la vidéotéléphonie à deux – en groupe c’est payant.

Gargantua et Torquemada

Enfin, si les utilisateurs ne contrôlent pas vraiment l’usage que fait Google des données qu’ils mettent en ligne, au moins peuvent-ils récupérer ces données de manière bien plus simple et complète que dans Facebook, grâce à la fonctionnalité « Takeout ». Celle-ci permet d’exporter aussi bien les contributions et les photos que les contacts et les Circles. Cela rassurera tous ceux et celles prêtes à investir beaucoup de temps dans leur existence sociale en ligne. En effet, il est toujours possible que l’on quitte un jour le navire Google +, volontairement ou non.

C’est ce qui s’est vérifié la semaine dernière quand Google a brutalement bloqué des contenus, des présences Google +, et même des comptes complets Google – avec des listes de contacts et des contenus de calendriers partis en fumée. La principale raison semble avoir été que ces personnes n’ont pas utilisé leur nom véritable – une exigence qui n’existe qu’en théorie du côté de la concurrence Facebook. Cela a engendré une vive discussion dans la communauté des réseaux sociaux outre-Atlantique – Google risque gros si à son image de Gargantua des données personnelles s’ajoutait celle d’un Torquemada des contenus indésirables.

Alors, quelles sont les chances que ce « Facebook amélioré » s’impose comme plateforme de réseaux sociaux ? « ct » n’aborde guère l’évolution des comportements sur les réseaux sociaux. Pourtant, beaucoup d’utilisateurs, après l’enthousiasme des débuts frisant la dépendance, puis un sevrage plus ou moins prolongé, trouvent un équilibre raisonnable entre l’intérêt indubitable d’une existence en ligne et la tentation d’y passer trop de temps. Et l’un des ingrédients les plus importants de cet équilibre est certainement la possibilité d’accéder aux réseaux sociaux à partir des smartphones et des tablettes. Or, le marché de ces produits est dominé par deux systèmes d’exploitation : « iOS » d’Apple et Android de … Google !

Réseaux d’avant

Mais le concurrent de Facebook ne se satisfait pas de cet argument raisonné. Il affiche également quatre « Top Celebrities », rapporte le site Bytecolumn : le comédien Mr Bean, la chanteuse Britney Spears, l’actrice Alyssa Milano – Phoebe de la série Charmed – et l’acteur Ashton Kutcher – époux de Demi Moore, remplaçant de Charlie Sheen dans « Mon oncle Charlie » (Two and a half men) et surtout, première personne à avoir atteint le million de « followers » sur le réseau social Twitter.

Tout cela suffira-t-il pour concurrencer l’écosystème mondialisé et universel en place qu’est Facebook ? « ct » accorde de bonnes chances au nouveau Google +. Et de rappeller qu’il y a quelques années, la mode des réseaux a été lancée par la plateforme orientée musique MySpace et des services axés sur les communautés scolaires comme « StudiVZ » en Allemagne et « Copains d’avant » en France. Or, contrairement aux attentes, ces services ont été submergés par la vague Facebook. Si quelques pays résistent, c’est dû à la censure Internet de leurs régimes, comme c`est le cas en Chine et en Iran – où Google + vient également d’être banni.

Reste que l’enthousiasme de la première vague d’utilisateurs du nouveau réseau refleurira sans doute avec le temps. En effet, si Google + s’impose, il payera la rançon du succès : informations superflues, spams, publicité omniprésente et cybercriminalité. D’ailleurs, le site « Techbyte4U » signale le premier faux mail d’invitation visant à pirater les comptes Gmail … Bienvenue dans la réalité, Google + !


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