SYRIE: Jeu de dupes

L’été syrien, après le printemps arabe, tempère l’espoir de transitions démocratiques des populations opprimées dans le monde arabe et ailleurs. Et oppose la communauté internationale à ses propres paradoxes.

Jeudi, 18 août 2011 : le président Bashar al-Assad, le « lion » syrien, promet au secrétaire général des Nations Unies de cesser la violence contre son peuple et d’entamer des réformes « pro-démocratiques ». Serait-on parvenu à la fin d’un épisode sanglant qui opposait depuis le 26 janvier de cette année un peuple enivré de liberté aux forces de sécurité assoiffées de sang ? La communauté internationale serait-elle parvenue – pour une fois – à régler un conflit avant que tout un pays ne sombre dans la guerre civile ?

Rien n’est moins sûr. Premièrement, il se pourrait très bien que ce geste du dictateur ne soit qu’une manoeuvre pour gagner du temps afin de consolider sa mainmise sur le pays. Ce ne serait pas la première fois qu’un despote joue au chat et à la souris avec la communauté internationale, surtout si la pression que celle-ci exerce devient insoutenable. Un petit dégazage s’impose alors pour le régime, couplé avec l’espoir que son pays disparaîtra petit à petit des « headlines » des médias internationaux. Et qu’on continue à lui foutre la paix, comme cela avait été le cas pendant les 41 dernières années, le temps que dure déjà la dictature Baas des al-Assad de père en fils. Car, si les occidentaux ont été les premiers à lâcher Bashar al-Assad, ce qui n’a pas dû être un geste très simple – rappelons-nous de sa présence au défilé militaire du 14 juillet en 2009 à Paris aux côtés du colonel Kaddhafi -, ce sont surtout les supports stratégiques dans le monde arabe qui ont dû faire reculer les al-Assad. Sans ces derniers, pas moyen de faire pression sur le monde occidental par le biais des relations économiques. Il ne faut pas oublier que depuis son accession au pouvoir en juillet 2000, Bashar al-Assad a surtout été un bon élève de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en ouvrant l’économie de son pays au commerce extérieur. Ce qui provoqua aussi une lueur d’espoir chez la population syrienne, sortant appauvrie des 30 années de régime de Hafez al-Assad. Onze années plus tard, il ne reste plus rien du fils « réformateur » qui vient de démontrer que son désir d’ouverture ne concernait en rien les valeurs démocratiques. Même s’il reste des doutes sur la capacité et la volonté de Bashar al-Assad de réprimer dans le sang les révoltes – la Syrie comporte des dizaines de services secrets qui se font concurrence et les intrigues de palais sont monnaie courante, même dans la famille régnante – le résultat est là : la Syrie reste un des régimes despotiques à résister au printemps arabe. Et cela malgré toutes les condamnations internationales, même celles de Hillary Clinton.

Les raisons de cette défection sont multiples : après Kaddhafi, les forces occidentales ne veulent en aucun cas devoir intervenir dans un autre pays arabe, car ils ne disposent tout simplement pas des moyens militaires. Trop de fronts ont été ouverts ces dix dernières années, et surtout, aucune de ces interventions – indépendamment de leur pré- et contexte – n’a été couronnée de succès. Tout au contraire, c’est la pagaille d’Irak en Afghanistan, et la situation en Libye risque très fort de s’enliser. D’un autre côté, il reste le grand classique du pétrole et du gaz. Comme l’ont rappellé « Déi Gréng » dans un communiqué récent urgeant le gouvernement luxembourgeois à promouvoir un arrêt des importations syriennes, 25 à 30 pour cent des bénéfices du régime syrien proviennent de la vente de ces matières premières. L’en priver serait l’assécher à la longue. Mais malheureusement, cela assécherait aussi les besoins occidentaux qui ne peuvent pas s’y risquer après déjà avoir dû abandonner pour un certain temps les importations provenant de la Libye.

En d’autres termes, l’Occident s’est handicapé lui-même et est mis devant le dilemme de s’affaiblir encore plus économiquement ou de se rendre coupable de non-assistance à une population qui veut se débarasser d’un dictateur ? Le choix est vite fait.


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