REFUGIÉS: Mouvements contradictoires

Alors que la saison estivale s’achève, la situation des réfugié-e-s au grand-duché est ponctuée de phénomènes absurdes et surtout bureaucratiques.

Reste à espérer que ceci ne correspond pas à la stratégie gouvernementale pour l’accueil des demandeurs d’asile pour l’hiver…

Les dernières années, pendant l’été, les journalistes restés au poste pendant que les collègues s’amusent en vacances avaient le triste devoir de rendre compte des expulsions d’étrangers sans-papiers et surtout celles qui concernaient des familles entières. Car c’est pendant les grandes vacances scolaires que le ministère de l’immigration a l’habitude d’ouvrir la chasse aux enfants et parents, profitant de la trève estivale des médias et de la retombée de l’attention publique.

La cuvée 2011 semble différente de celle des années précédentes. Ce qui ne veut pas dire que le Luxembourg n’ait pas expulsé comme toujours. Mais l’attention était focalisée sur d’autres aspects. Comme le nouveau centre de rétention par exemple. Que les jours du sinistre bloc P2 de Schrassig soient comptés est en somme une bonne nouvelle, car enfin le Luxembourg ne fait plus l’amalgame entre réfugié-e-s refoulé-e-s et prisonniers de droit commun. Certes, les sans-papiers n’étaient pas dans le même bloc que les « vrais » criminels, mais ce confinement était symptôme de deux choses : la criminalisation des étrangers qu’on ne veut pas accueillir et le manque, voire l’absence de conscience envers la problématique même. On sait que faire de la politique migratoire est une chose sensible et qu’on se fait attaquer de tous bords : trop laxiste pour les tenants d’une certaine droite populiste qui aime se profiler sur le dos des indésirables, inhumaine et tout simplement inacceptable pour une certaine frange de la gauche. En d’autres mots, ce n’est pas sur cela qu’un politicien peut ou veut bâtir sa carrière.

Le fameux centre de rétention a donc ouvert ses portes cette semaine, juste pour les refermer sur celles et ceux qu’on va renvoyer dans leur pays d’origine. Les difficultés qui ont accompagné sa création l’ont suivi jusqu’à la veille de son ouverture. Non seulement qu’on ne se rappelle même plus combien de fois il a été promis de le construire, le gouvernement a également fait preuve d’un certain autisme en ce qui concerne les modalités selon lesquelles il a finalement vu le jour. Certes, dans nos pays voisins ce n’est pas mieux, voire pire, mais cela ne devrait pas être une excuse pour ne pas prendre en considération l’avis de la société civile et des ONG concernées.

Comme l’a prouvé d’ailleurs l’absence de tout collaborateur ministériel au débat organisé par la campagne contre le centre fermé. Car même si Fari Khabirpour, le directeur du centre, s’est déplacé à cette confrontation, il est apparu clairement qu’il ne se voit que comme exécutant d’une politique qu’il n’approuve que très moyennement (voir woxx 1115). De même pour les ONG qui dans leurs bilans avant les vacances se sont plaints du manque d’engagement de la part des officiels responsables (voir woxx 1116). Et que l’ouverture définitive du centre ait dû être retardé à cause d’une signature manquante sur l’arrêté grand-ducal qui crée le centre de rétention est comme un dernier doigt d’honneur de la politique à l’adresse des refoulé-e-s aussi bien que de celles et de ceux qui font de leur mieux pour les accompagner dans cette démarche pénible et humiliante. D’ailleurs on est en droit de se demander pourquoi cet arrêté grand-ducal n’a été signé qu’en dernière minute. Car normalement, les manquements bureaucratiques ne sont pas si fréquents quand il s’agit de sauver des banques ou ouvrir un musée par exemple.

Jusqu’à la dernière minute

Pourtant, les personnes refoulées ont un avantage de taille par rapport à celles qui sont toujours en phase de demande d’asile au grand-duché. Certes, elles sont enfermées derrière des grillages et surveillées en permanence par des vigiles plus nombreux qu’elles – pour le moment du moins – mais elles ne sont pas forcées de vivre dans des tentes sur des campings. Car comme s’en est émue l’Asti dans un communiqué de presse le 11 août, les foyers Don Bosco et celui de Redange sont pleins à craquer. Ce qui a forcé la Croix Rouge à loger les demandeurs d’asile ailleurs et la seule solution a été de leur trouver des campings qui voulaient bien les accueillir. Il semble bien qu’en ces temps de campagne électorale aucun maire – à l’exception de Dan Kersch à Mondercange – n’ait voulu prendre le risque d’accueillir des étrangers par peur d’être mal vu par son électorat. Alors que des discussions entre l’Asti, le ministère de la famille et le Syvicol étaient déjà largement entamées depuis le début de l’année. Pourtant, le temps presse non seulement à cause de la fin de la saison estivale qui s’approche petit à petit et qui rendra pénible ces logements précaires mais aussi parce que le nombre de demandeurs d’asile n’est sûrement pas prêt de tarir, vu les crises internationales qui agitent la planète en ce moment. Il ne suffit donc pas de construire un centre de rétention et de participer à des missions de la Frontex pour que le Luxembourg puisse tirer son épingle du jeu.

Heureusement, il existe une lueur d’espoir : la société civile. Comme l’a communiqué l’Asti « des personnes luxembourgeoises et portugaises se sont adressées (?) à nous pour mettre des maisons à disposition des réfugiés ». Ces volontaires ont été dirigé-e-s vers l’office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration (Olai) qui devrait étudier ces offres de logement. Personne à l’Olai n’a cependant su répondre à nos questions concernant l’accueil de ces offertes généreuses, leur contact presse étant toujours en congé. Nous avons par contre pu avoir par une personne concernée l’assurance que la solution des campings n’était que très provisoire et que de toute façon la plupart des refugié-e-s logerait entretemps dans des caravanes et non plus dans des tentes.

Il reste à espérer que cette situation pénible – aussi bien pour les demandeurs d’asile que pour le gouvernement – ne se reproduise plus et qu’après les élections en octobre plus de communes se montrent ouvertes à accueillir des réfugié-e-s. Car, finalement le Luxembourg ne souffre pas d’un manque de moyens pour créer des structures d’accueil adéquates.


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