ARCELOR-MITTAL: Dialogue assourdissant

Alors que le Luxembourg vient d’organiser la plus grande grève dans le secteur sidérurgique depuis belle lurette, le patronat se conforte dans son autisme communicatif en parlant de dialogue sans véritable volonté de s’intéresser aux conséquences de ses actes.

Ah, qu’elle est belle la solidarité! Ce mercredi dans tout le sud du pays, plus de 3.000 personnes se sont rassemblées pour protester contre la politique patronale d’Arcelor-Mittal. L’enjeu étant aussi bien ponctuel pour sauver d’une mort lente les usines de Schifflange et de Rodange, que de grande envergure en ce qui concerne le futur du maintien du secteur sidérurgique au Luxembourg. Car voilà, c’est bien d’un enjeu national dont il est question. La fabrication d’acier fait partie de l’identité luxembourgeoise plus que beaucoup d’autres choses. C’est par elle que le pays a su décoller à l’âge industriel, c’est par elle que des milliers d’étrangers sont venus enrichir notre pays. Finalement, sans elle on ne serait pas grand-chose. On peut même douter que le secteur financier luxembourgeois existerait sans l’essor préalable procuré par les usines d’acier.

Mais voilà que petit à petit, Arcelor-Mittal diminue le volume de sa production au Luxembourg. Un exercice certainement délicat, puisque le maintien de la sidérurgie locale a été une des conditions de la reprise d’Arcelor par Mittal en 2006. Et puis, on sait aussi l’importance que la population locale accorde toujours à cette industrie. Mais le problème est que ces manifestations ne semblent impressionner personne d’important, ni dans la politique – où certes certaines communes se sont solidarisées, à l’exception de la capitale où même les Verts se sont montrés frileux – ni dans le patronat. Comme le dit Nico Reuter, le vice-président des longs-carbons en Europe dans un communiqué de réaction aux grèves: « ArcelorMittal reconnaît à ses employés le droit de manifester. Toutefois, la société estime que les grèves organisées sur différents sites en Europe demain sont contre-productives, compte tenu du climat économique actuel ». Et d’enfoncer le clou : même s’ils regrettent de « devoir » stopper des lignes de production, de fermer des sites entiers – en mettant à sec des régions déjà sinistrées comme la Wallonie et la Lorraine – cela serait surtout dû à la faiblesse de la zone euro en ce moment et à la crise en général. Entendez donc que si Arcelor-Mittal doit fermer des sites, c’est à cause de la surcapacité de sa branche européenne qui produit certes de l’acier de grande qualité mais qui reste difficile à écouler dans un marché qui traverse une crise.

Le hic est que, même si certaines de ses usines européennes sont dans le rouge, Arcelor-Mittal reste toujours bénéficiaire. Et que donc on ne peut pas vraiment parler d’une industrie en crise. Seulement d’une industrie qui ne remplit pas ses objectifs auto-imposés de croissance, ce qui est une différence énorme.

Le problème est de savoir maintenant ce que donneront les prochaines tripartites dans la sidérurgie. Les syndicats y vont avec un double ras-le-bol : d’un côté, ils se sentent méprisés par le patronat qui prône toujours un dialogue social qui reste pourtant inexistant, et de l’autre une classe politique qui – à l’instar du très business friendly (encore) ministre de l’économie, membre du conseil d’administration d’Arcelor-Mittal – s’est depuis longtemps rangée du côté patronal. Affaire à suivre donc, aussi au vu des derniers développements concernant les sites de Schifflange et de Rodange : l’arrêt de la production sur les deux sites sera maintenu jusqu’à la fin du premier semestre 2012, après quoi Arcelor-Mittal va « examiner si le niveau de la demande justifie un redémarrage des usines de Rodange et de Schifflange », comme le dit Nico Reuter. Gageons qu’ils trouveront encore de merveilleuses raisons de continuer à faire pourrir la situation.


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