GRÈCE: Un nouveau chapitre

Les marchés et leurs gouvernements ont mis la Grèce au tapis. Plus personne de censé ne croit plus aux vertus des mesures d’austérité. Mais l’issue est incertaine.

Certains d’entre vous ont peut-être vu cette émission télévisée. Mercredi soir, sur la première chaîne publique allemande, Anne Will animait un débat au sujet de la crise grecque. Et pour une fois, nous avons ressenti une drôle d’impression. Non, le discours classique de gauche ne fut plus ridiculisé ou ostracisé, comme ce fut le cas lors de la plupart des émissions allemandes, raison pour laquelle, afin d’éviter toute frustration, nous leurs avions tourné le dos pendant un certain temps. A tort peut-être. Car quel ne fut pas notre étonnement de constater que la personne qui passait pour un hurluberlu déconnecté des réalités n’était non pas Sahra Wagenknecht, mais un certain Martin Lindner du FDP intransigeant sur les mesures d’austérité, ou un grand patron allemand tiré à quatre épingles, la raie à droite et obsédé par la volonté de remettre « de l’ordre » en Grèce. Même un trader connu, Dirk Müller, s’est fait le chantre d’une rupture avec la logique « austéritaire ». Quant à l’inévitable micro-trottoir, il diffusa une dizaine de passant-e-s qui refusèrent tous de condamner les Grecs qui manifestent, déjouant les questions tendancieuses des journalistes. Ils ont même préféré se montrer compréhensifs, voire solidaires à leur égard ! « A leur place, nous ferions pareil », a même osé dire un Allemand de la rue.

Evidemment, une émission télévisée ne peut servir de thermomètre politique. Il n’empêche que depuis deux ans, le vent a tourné : les insinuations xénophobes à l’encontre des Grecs en particulier et des gens du Sud en général se sont faites plus timides. Et un nombre croissant de personnalités se rallie à l’idée que les populations ne sont pas à l’origine de la crise.

Il faut dire que la situation devient de plus en plus grotesque, un peu à l’image d’une peinture flamande de Jérôme Bosch. Les principaux acteurs, hier considérés comme étant « sérieux », commencent à voir leur vernis s’effriter. Au Luxembourg, Luc Frieden ne tient plus en place et commence à faire la nique à son mentor en philosophant sur les retraites et le salaire minimum. Jeudi, c’est l’ancien ministre Robert Goebbels qui lance une salve depuis le parlement européen, accusant – à juste titre, d’ailleurs – le chef du gouvernement luxembourgeois d’être coresponsable de la débâcle grecque. Et à lire la dernière déclaration du chef de l’Eurogroupe où il se félicite des « progrès » que le parlement et le gouvernement grecs auraient fait, l’on se demande si Juncker se prend encore au sérieux. Ou si, conscient de son rôle dans le naufrage grec (et européen ?), il tente de profiter encore le plus longtemps possible de l’orchestre du Titanic.

Ce que de très nombreux économistes de gauche disaient il y a encore deux ans de cela, à savoir que les mesures d’austérité ne feraient qu’aggraver la crise aux dépens des Grecs, est désormais devenu palpable. Même les plus récalcitrants doivent s’y faire : les faits sont têtus et les libéraux de tous poils éprouvent de plus en plus de difficultés à faire passer leurs thèses disqualifiées par l’actualité. L’économie grecque est asphyxiée et les mesures votées par le parlement ne feront que donner le coup de grâce à ce pays qui se tiers-mondise. Seront-elles appliquées d’ailleurs ? Au mois d’avril, des élections sont prévues en Grèce et tous les sondages indiquent que la donne politique sera chamboulée avec un Pasok qui « sort de l’Histoire » avec six à huit pour cent, devancé par trois partis qui se situent à sa gauche et qui, ensemble, pourraient remporter une majorité relative.

Mais rien n’est encore joué. Dans une interview accordée à Goosch.lu, Sonia Mitralia, une Luxembourgeoise qui vit en Grèce depuis la chute de la dictature, compare la situation à celle de la république de Weimar. De nouvelles formations d’extrême droite voient également le jour et se renforcent. Et si la Grèce était en train, à nouveau, d’écrire une nouvelle page de l’histoire européenne ?


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