DISCOVERY ZONE: « Vill a gutt »

Après des débuts chancelants, le festival cinématographique Discovery Zone remet le couvert pour toute une semaine. Entre terroir local et programmation cosmopolite, la sélection semble se bonifier d’année en année.

La société civile a également mis son grain de sable au festival, notamment l’Association des Egyptiens du Luxembourg, qui propose « Les femmes du bus 678 ».

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne cache pas son enthousiasme. Alexis Juncosa, membre de la petite équipe de « Discoveryzone » qui a débuté cette semaine, défend bien le projet. Il faut dire que la tâche n’est pas si ardue, étant donné que le festival s’annonce vraiment prometteur. Et pourtant, il revient de loin (voir aussi woxx 1104). La première édition a vu le jour en 2007, dans le cadre de l’année culturelle, mais sous une appellation différente : le fameux « Diractor’s Cut ». Mais bon, comment dire, « la mayonnaise n’a pas pris », selon les termes de Juncosa. Trop franco-français, le festival a eu du mal « à trouver sa place » dans un pays, ou plutôt une capitale – puisque le festival concerne Luxembourg ? qui est intrinsèquement cosmopolite. Et peut-être aussi, comme le firent valoir certaines voix discordantes, un peu trop « bling bling » et élitiste, avec des promesses mégalo et non tenues comme la visite annoncée de Clint Eastwood.

Bref, en 2010, le festival connut une pause, histoire de voir s’il valait la peine de continuer, et si oui, dans quelle direction. L’année suivante, il fut ainsi ressuscité et modifié en profondeur jusqu’à en changer l’intitulé en l’actuel « Discovery Zone ». Et à partir de ce moment, il s’est agi d’un « nouveau concept », qui aspire à coller bien plus à « l’identité luxembourgeoise », sans pour autant souhaiter devenir une « semaine du film luxembourgeois ». D’ailleurs, cela ne serait pas non plus dans l’intérêt des productions luxembourgeoises que d’être toutes fondues la même semaine dans le même festival. « De toute façon, ce qui nous intéresse », explique Juncosa, « c’est de faire un choix sur la qualité des films et non leur provenance. »

L’expérience l’a prouvé, la cuvée 2011 avait fait ses preuves. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, la diffusion en avant-première mondiale – hormis au festival de Berlin – du film iranien « Une séparation », qui rencontra par la suite un véritable succès critique. Et le millésime 2012 est prometteur. Pourtant, le festival ne dispose pas d’un budget démesuré (300.000 euros pour cette édition, sponsors compris). A l’équipe dévouée de trois permanents qui y travaille toute l’année s’ajoute une collaboration étroite entre les organisations de tous les corps de métier du cinéma – des acteurs aux différentes catégories de techniciens.

La démarche se veut également pédagogique. « Notre approche du cinéma veut se distancier de l’approche consumériste. Pour cela, nous voulons atteindre un maximum de personnes pour leur faire découvrir des choses différentes », affirme Juncosa. C’est une des raisons qui a poussé les festivaliers à prendre des mesures en direction des jeunes. Cette année, il y a une programmation pour les 6 à 18 ans qui, en plus de projections à leur attention, pourront participer à des ateliers les initiant aux métiers du cinéma. La collaboration se fait avec le ministère de l’Education nationale, et à ce jour, 3.000 écoliers se sont déjà inscrits. Le festival se veut oecuménique (un « pass » à 20 euros est disponible – au bout de trois films sur la cinquantaine projetés, vous aurez rapidement amortis les frais), sans pour autant mesurer son succès en termes quantitatifs. Une semaine de « découverte » misant sur trois piliers (productions nationales et internationales, documentaires et le cycle jeune public), mais aussi une semaine folle « où il se passe constamment quelque chose », c’est ainsi que Juncosa préfère décrire le « Discovery Zone ».

« Une semaine folle »

D’ailleurs, il ne veut pas tout nous révéler, laissant planer un doute sur d’éventuelles « surprises ». Nous n’en dirons pas plus, si ce n’est que (et là, nous sommes autorisés) vous risquez de rencontrer l’un ou l’autre mort-vivant déboulant dans les rues de la capitale. C’est apparemment l’effet que produit la diffusion d’un film de zombies cubain. Nous verrons bien ce que donnera cette débauche d’auto-ironie socialiste en plein coeur d’une place financière…

A propos de débauche : si le festival réserve une large part à la jeunesse, une autre projection lui sera par contre interdite. Si vous lisez cet article le jour de la parution du woxx, dépêchez-vous et rendez-vous en soirée au Casino d’art contemporain pour une soirée « backroom », enfin, « Artists in the backroom ». Y seront projetés deux documentaires sur le monde de la pornographie, l’un plutôt virtuel, car il témoigne de cet aspect sur « Second Life » (« The cat, the reverend and the slave »), et l’autre (« Il n’y a pas de rapports sexuels ») très réel, car il vous plongera dans l’intimité de HPG, star du X et les coulisses de ce monde d’autant plus à part qu’il est répandu. Et, nous a-t-on soufflé, la soirée qui suivra sera… « rigolote ».

Comme il serait dommage d’interrompre ce filon prometteur, restons-en à la débauche (pour la dernière fois, promis, juré). Plus ou moins parallèlement à l’immersion dans le monde du porno, il vous sera également possible – à l’Utopia suivie d’une soirée au Ratskeller au Cercle Cité à 23 heures – de vous offrir une indigestion bollywoodienne. Mais attention, que les réticent-e-s du kitsch indien se rassurent. La projection promet d’être vraiment, vraiment au-delà de toute attente ! Comment dire, il s’agit de « Robot », un croisement entre « Bollywood, Terminator et Matrix ». La soirée est donc hautement recommandée non pas aux amateurs de ces productions colorées et moustachues du sous-continent, mais plutôt aux aficionados d’un cinéma jubilatoire et décalé à outrance, promis à s’éterniser au panthéon des meilleures productions « Z ». Si vous n’avez jamais assisté à une engueulade entre un homme et un moustique qui vient de piquer sa femme, n’oubliez pas de réserver votre place !

Et c’est l’occasion de ne pas trop quitter la région tout en changeant radicalement de registre, un autre point fort du festival, plus politique, sera la diffusion du documentaire « The Island President » qui relate le combat de Mohammed Nasheed, qui fut le président des Maldives, victimes du réchauffement climatiques et menacées de disparaître dans les flots de l’océan indien. Coup du sort, le documentaire sort alors que Nasheed a été poussé à la démission suite à un coup d’Etat survenu au début du mois de février.

Finalement, si vous êtes nostalgiques de l’hiver que le Luxembourg vient officiellement de chasser et que vous préférez les contrées plus septentrionales, sachez également que cette édition met à l’honneur les films nordiques (après les Balkans l’année passée). Quatre productions de pays scandinaves seront à l’honneur. Mais gageons qu’ils vous réchaufferont bien plus qu’ils ne vous feront grelotter. Et c’est d’ailleurs toute l’intention de ce festival.

Pour plus d’informations, veuillez consulter www.discoveryzone.lu ou nos pages AGENDA (KINO et WAT ASS LASS)


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