ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE: Du grain à moudre

Le score de Marine Le Pen n’est pas uniquement dû à son « populisme ». Mais également à celui de la pensée unique et de ses relais politiques et médiatiques. L’« establishment » est le meilleur allié du Front national.

A force d’invoquer un supposé désintérêt pour la politique de la part du peuple, l’on pourrait presque en conclure qu’il s’agit là davantage d’un souhait que d’un constat. Une certaine élite voudrait en effet que la joute politique se cantonne aux seuls deux candidats des courants dits sérieux. Afin de faciliter la course, mieux vaudrait donc en exclure la plèbe. Mais comme elle a malheureusement encore le droit de voter, mieux vaut lui rappeler tous les jours que la campagne n’est pas intéressante. Mieux : qu’elle ne l’intéresse pas. Peine perdue, elle préfère malgré tout aller voter.

Les résultats du premier tour auront réjoui les uns, déçu les autres et frustré d’autres encore. La frustration aura certainement gagné les électeurs de gauche qui ont opté pour un autre candidat que Hollande. Particulièrement celles et ceux qui attendaient une percée bien plus spectaculaire de Mélenchon. Si son score est particulièrement bon, il est en deçà de ce que sa campagne laissait espérer ces derniers temps. Au final, le rejet du sarkozisme est si grand que le vote « utile » en faveur du candidat social-démocrate aura joué. S’il est élu, François Hollande aura cinq ans pour donner du sens au mot « utile ». Et les marchés financiers lui donneront rapidement l’occasion de prouver qu’il sera le Papandréou français. Ce sera aussi pour lui l’occasion de prouver par les actes qu’il se « soucie » de celles et ceux qui s’égarent en votant Le Pen. Car le danger d’un mandat Hollande n’est pas à sous-estimer : s’il se conclut par une politique classiquement de centre-gauche, refusant de rompre avec un système qui s’écroule, il aura non seulement « déçu » et discrédité ce que les gens pensent être la gauche, mais peut-être encore renforcé une droite qui gravite de plus en plus autour de Le Pen. Le meilleur remède contre la droite dure, c’est une gauche ferme et combative.

Le vote FN n’est pas forcément un vote d’extrême droite. Entre récupérer le programme du parti d’extrême droite et s’adresser à une partie de son électorat (électorat du moment, il n’est pas figé) avec un programme social et économique clairement à gauche, ce n’est pas pareil. Sarkozy fait la première chose, Mélenchon et d’autres à sa gauche la deuxième. Les raisons qui poussent certaines personnes à voter FN sont diverses : une partie est clairement constituée d’inconditionnels des idéologies de la droite dure, rien à faire. D’autres pensent qu’il s’agit d’une occasion de faire valser le « système ». D’autres encore estiment que les principaux maux sociaux et économiques qu’ils subissent sont causés par l’immigration et un système qui favoriseraient l’« assistanat » ou le « faux travail ». Le Pen le dit. Sarkozy le dit. Mais ils ne sont pas les seuls.

Ce message, in fine, a également été relayé par les tenants de la pensée « respectable ». Cela va jusqu’au centre gauche qui depuis des décennies déjà refuse de mettre en question fondamentalement le fonctionnement de l’ordre économique dans lequel nous vivons ou en rejette les critiques radicales. Pourtant, les problèmes perdurent et croissent. Et au lieu d’admettre que les critiques les plus acerbes envers le système néolibérales sont probablement plus réalistes qu’ils ne le pensent, ils reprennent l’argumentaire de droite en l’enrobant de toutes les précautions sémantiques et symboliques nécessaires, afin qu’il ne ressemble pas trop à l’original et qu’il paraisse humaniste. Et à force de dire élégamment ce que Le Pen vocifère, il ne faudra pas s’étonner qu’à la fin, de plus en plus d’électeurs estiment qu’après tout, Le Pen « elle ne dit pas que des conneries ».


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