GAUCHE DE GAUCHE: Chiffons rouges

Tandis que le chiffon rouge flottera peut-être bientôt au-dessus de la place Syntagma, les luttes intestines laissent « Die Linke » toute chiffonnée. En France, l’avenir du Front de gauche est incertain.

Commençons par la bonne nouvelle : Les sondages indiquent que Marine Le Pen sera probablement battue au second tour des élections législatives, le 17 juin prochain. Rappelons que la présidente du Front national se présente dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais et que Jean-Luc Mélenchon a choisi cette même circonscription, se jetant dans la gueule de la louve. L’audace du leader du Parti de gauche (PG) a été payante : sa campagne a affaibli le FN, et en arrivant devant le candidat socialiste au premier tour, il pourra même demander d’être le candidat commun de la gauche au second tour… en espérant un bon report des voix socialistes.

C’est là le dilemme du Front de gauche (FDG), regroupant notamment le PG et le PCF, qui s’est senti pousser des ailes avec la campagne présidentielle de Mélenchon. Il n’est pas clair quelle est la suite à donner à ce rassemblement réussi de la gauche « rouge ». Le FDG n’a pas souhaité négocier un accord électoral et gouvernemental avec le PS, comme l’ont fait les Verts, et se retrouvera avec une vingtaine de députés à l’Assemblée nationale. D’aprés les derniers sondages, le PS n’aura probablement pas besoin de leur appui pour former une majorité, et le risque est que Mélenchon et les siens passent cinq ans sur la touche.

Cela énervera certains, notamment la composante communiste du FDG qui penche vers la participation au pouvoir. Et en réjouira d’autres, comme les tenants d’un anticapitalisme radical qui ne jurent que par le Grand Soir. Le clivage entre réformistes radicaux et révolutionnaires est un sujet récurrent au sein de la gauche depuis au moins 150 ans.

Outre-Moselle, c’est sans doute ce même clivage qui a apporté au parti « Die Linke » sa plus mauvaise côte de popularité depuis 2005 – alors que le système qu’il critique est en pleine crise. Certes, cela s’explique aussi par le climat envenimé des conflits entre personnes et la résurgence des différences entre les composantes Est et Ouest du parti. Mais il est clair que quelqu’un comme Dietmar Bartsch ne représente pas seulement les grandes fédérations de « Die Linke » à l’Est, mais aussi une approche plutôt réformiste. Quant à Oskar Lafontaine, incarnant la culture des déçus du SPD, il a fait de l’incompatibilité avec la social-démocratie son cheval de bataille.

Ces tendances conflictuelles bien réelles aboutissent-elles forcément à un clivage, voire à un échec sous forme de scission, tel que l’a évoqué récemment Gregor Gysi ? Les gauches rouges européennes, qui ont longtemps suivi jalousement les succès des camarades allemands et italiens, regardent désormais vers la Grèce. Là-bas, le parti Syriza est passé de moins de 5 à plus de 16 pour cent, devançant la social-démocratie largement décrédibilisée par son acceptation des politiques d’austérité. En remportant les élections, également le 17 juin, un parti aux penchants plutôt révolutionnaires pourrait diriger lui-même un gouvernement au lieu de passer des compromis du faible au fort avec la social-démocratie. Mais en Grèce aussi, une gauche rouge plus modérée et électoralement plus faible existe sous le nom de Dimar…

A y regarder de plus près, la différence entre radicalité réformiste et révolutionnaire est-elle si tranchée ? Certains leaders semblent appliquer un pragmatisme au meilleur sens du terme, considérant que l’on doit, selon les circonstances, passer des compromis ou opter pour l’opposition fondamentale. Ainsi les propositions faites à l’UE par Alexis Tsipras, leader de Syriza, sont loin d’être maximalistes. Et aux yeux de certains « Linke », les différences entre la résolution majoritaire au récent congrès, supposée être plus radicale et la résolution « alternative », ne sont pas énormes. Enfin, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon a proposé une ligne de conduite fort pragmatique envers le président socialiste : « S’il veut appliquer les `recommandations‘ de Barroso, ce sera sans nous et même contre nous. A l’inverse, s’il s’y oppose et qu’il veut résister, nous sommes prêts à l’aider. »


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