EURO: Jean-Claude Cassandre

Alors que les deux Etats « moteurs » de l’Europe – la France et l’Allemagne – soit se taisent, soit se complaisent dans leurs réticences, le chef de l’Eurogroupe essaie de faire bouger les choses. Au risque de définitivement brouiller les relations entre voisins européens.

C’est encore un de ses coups de gueule bien connus, qui amusent les uns tandis qu’ils exaspèrent les autres. Lorsque Jean-Claude Juncker a critiqué l’Allemagne en début de semaine pour ses réticences mais surtout pour son habitude à « faire de la politique intérieure aux dépens de la zone euro » et de « traiter la zone euro comme une filiale », il aurait dû calculer, en politicien européen chevronné, que cela provoquerait un « shitstorm » chez nos voisins outre-Rhin. Curieusement, ce n’est pas la personne visée par ses dires, à savoir le vice-chancelier libéral Philipp Rösler – qui a admis que la sortie de la Grèce de l’euro était pour lui un scénario imaginable et qui est tellement au bout du rouleau dans les sondages, que son parti projette de battre campagne en 2013 sans lui – qui a réagi le plus drastiquement, mais Horst Seehofer, le chef de file des conservateurs bavarois, la CSU. Ce dernier, tout comme son porte-parole Alexander Dobrindt, tiennent à façonner le profil d’une CSU qui a perdu lors des dernières élections en Bavière son historique majorité absolue. Curieusement, leurs critiques ne concernaient pas le péril dans lequel la zone euro risque de sombrer, mais se révélaient être des attaques contre la personne de Juncker, allant même jusqu’à douter de sa capacité de rester à son poste. Dommage seulement qu’il vient d’être reconduit dans ses fonctions par une éclatante majorité, même contre sa volonté, apparemment, si ce n’était pas une énième manoeuvre futée.

Mais pourquoi les Allemands sont-ils tellement frigides lorsqu’il est question du sauvetage de l’euro ? En fin de compte, leur industrie a bien profité de la monnaie unique, tout comme elle tire profit de la dévalorisation récente face au dollar. Il y a deux raisons à cela : primo, la politique intérieure. La coalition conservatrice-libérale en place n’a plus le vent en poupe, c’est le moins que l’on puisse dire. Tout porte à croire qu’à partir de 2013, les sociaux-démocrates et les Verts remporteront les élections. Dans de telles conditions, la démagogie fleurit et ceux qui se posent en « sauveurs » de l’Allemagne contre les Etats « mauvais payeurs » du Sud, espèrent engranger les voix des électeurs qui peinent à comprendre la complexité de la situation. Car voilà : l’Allemagne n’est stable que si l’on prend en compte l’Etat fédéral, le Bund. Et celui-ci a depuis des années déversé de plus en plus de responsabilités économiques sur les Etats fédéraux, ce qui donne une situation paradoxale où certains Etats frôlent la faillite, alors que l’Allemagne peut jouer l’homme fort de l’Europe, martyrisé par les eurocrates de Bruxelles, qui en veulent après son argent si honnêtement gagné. L’inconséquence politique allemande ne fait enfin que refléter son instabilité politique.

Et en France ? Comme le « Canard Enchaîné » l’a bien pointé cette semaine : motus. Le silence assourdissant du gouvernement Hollande/Ayrault tient peut-être à ce qu’il a dû encaisser quelques coups durs ces temps-ci, comme par exemple avec la débâcle PSA et qu’il ne veut surtout pas se compromettre en prenant des engagements. Mais même au Luxembourg, la résistance de Jean-Claude Juncker n’est pas honorée. L’ADR, dans un élan de populisme, lui a reproché de dégrader les relations avec l’Allemagne.

C’est donc à la Banque centrale européenne (BCE) et au mécanisme européen de stabilité (MES) de sauver la mise. Et pas plus tard que jeudi matin, Mario Draghi, le président de la BCE, a annoncé, selon des informations de la « Süddeutsche Zeitung », que sa banque projetait d’acheter des titres des dettes italienne et espagnole afin de faire baisser leurs taux, contre l’avis des Allemands et probablement avec le consentement tacite de la France. Du moins sur ce point,
Juncker aura gagné. Reste à savoir si les plans de sortie de crise de la BCE et de « Mister Euro » s’avèrent efficaces, car ils n’ont plus vraiment droit à l’erreur. Et les récents événements ont prouvé que la stabilité politique européenne ne tient qu’à un fil.


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