RELIGION: La fin des privilèges ?

Les réactions des partis et associations au rapport sur les futures relations entre Etat et communautés religieuses s’accumulent, et laissent entrevoir l’espoir que le Luxembourg s’avance vers un régime plus laïc.

Si quelqu’un se retrouve le dos au mur, il réagit davantage de façon agressive. C’est ainsi qu’on peut interpréter la réaction de l’église catholique – à laquelle se sont jointes les communautés protestantes, juives et musulmanes – face au rapport d’experts en attendant le grand débat voulu par le ministre des Cultes François Biltgen. Un débat qui tournera autour de trois points : le décret de 1809 sur les fabriques d’église, le catéchisme et le financement des cultes. Pas sûr d’ailleurs qu’une discussion autour du dernier point ait été voulue par le ministre, comme le remarque André Hoffmann dans la prise de position de Déi Lénk, dans laquelle il reproche au gouvernement d’avoir « discrètement guidé » l’orientation du groupe d’experts de façon à éluder le débat autour de cette question fondamentale.

En ce qui concerne le premier point, même le rapport des experts est clair : le principe des fabriques d’église est suranné, favorise injustement l’église catholique – le même rapport revient d’ailleurs souvent sur sa position privilégiée dans d’autres domaines – et doit être abrogé. Selon les chiffres récents, les fabriques d’église coûtent chaque année une dizaine de millions d’euros aux communes, de l’argent que celles-ci pourraient certainement mieux dépenser, par exemple en construisant davantage de logements sociaux. Evidemment, l’église catholique ne l’entend pas de cette oreille. Pour elle, « il n’est pas concevable de mélanger ces entités bien établies et protégées par la loi avec le légitime besoin des autres communautés religieuses d’avoir recours à plusieurs implantations réparties sur le territoire du grand-duché ». Même si elle se dit prête à discuter de certains points de détail pour l’éclatante majorité des partenaires, ce débat est superflu : les fabriques d’église doivent disparaître, un point c’est tout.

Concernant le catéchisme, les communautés religieuses se sont manifestement fourvoyées dans une impasse : leur revendication de donner la possibilité à toutes les communautés d’enseigner leur religion dans les écoles publiques n’est tout simplement pas faisable. Dans un communiqué de l’Alpe (Association luxembourgeoise des professeurs d’éthique), on peut trouver deux bons arguments contre cette revendication : primo, le financement d’une telle mesure, et secundo, l’Alpe met en doute que le vivre ensemble des jeunes serait vraiment garanti par une séparation confessionnelle dans l’école publique. En se crispant derrière sa revendication irréaliste, l’église catholique a permis à la société d’avancer vers un enseignement universel des valeurs. Il faudrait presque l’en remercier.

Quant au point fondamental de l’évolution des futures relations entre Etat et églises, le financement, l’église catholique – qui engrange 95 pour cent des aides – et les autres communautés conventionnées sont aussi en train de perdre du terrain. Même le LSAP, pourtant peu connu pour son courage politique face au CSV, vient de retrouver un peu de son ardeur socialiste en se disant prêt à entamer la stricte séparation entre église et Etat. Politiquement, il semble que le modèle des conventions serait de plus en plus obsolète, et que des modèles alternatifs comme l‘ « otto per mille » italien, revendiqué par l’ADR, ou encore le modèle allemand où le citoyen peut lui-même décider s’il veut ou non financer un culte, soient discutés.

Une chose est claire : l’église catholique et toutes les autres communautés religieuses doivent se préparer à changer de perspective, car si elles ne bougent pas, ce sera la société qui les fera bouger. Et avec le durcissement du ton, l’église catholique ne fait qu`accélérer un conflit qui sera d’autant plus dur pour elle.


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