SREL: Jeux de dupes

Les révélations cumulées concernant l’affaire autour du Srel constituent la partie émergée de l’iceberg. Nolens volens vient-on d’apprendre que l’Etat vient en aide à des hommes d’affaires sulfureux.

« Non, je ne pense pas qu’il s’agissait de ventes d’armes », répondit peut-être un peu trop vite le ministre de l’Economie Etienne Schneider. La question, posée hier par Nico Graf sur « RTL-Radio » au ministre, découlait de nouvelles informations liées aux missions de prospection économiques dans diverses régions du monde avec lesquelles l’Etat luxembourgeois évalue des relations commerciales. Ces missions ont été établies en collaboration avec un fonctionnaire du ministère anciennement employé par le Srel. Ce même fonctionnaire est soupçonné d’être à l’origine d’écoutes illégales, et notamment d’une discussion entre le premier ministre et le chef de l’Etat.

Désormais, le visage du fonctionnaire peut être admiré sur le site internet de RTL. Il en va de même de Jean-Claude Knebeler, anciennement directeur du département du commerce extérieur au ministère de l’Economie et actuellement consul à New York. La photo publiée hier par RTL le montre avec une arme automatique qu’il tient en joue, avec en arrière-fond ce qui semble être un militaire américain ainsi qu’un civil armé. La scène s’est déroulée au nord de l’Irak, c’est-à-dire dans la partie kurde du pays. Il est difficile de conclure qu’un cliché montrant un fonctionnaire tenant une arme à la main dans une zone à risque puisse confirmer un soupçon de trafic d`armes.. Ce qui est toutefois plus troublant se situe dans d’autres réponses qu’Etienne Schneider accorda à RTL à la sortie d’une réunion de la commission de l’économie. Il y cite différentes entreprises qui ont accompagné la délégation. L’une d’entre elles sent le souffre. Ou plutôt son propriétaire : il s’agit de la General Mediterranean Holding, la société qui chapeaute l’empire financier de l’homme d’affaires britannique d’origine irakienne Nadhmi Auchi. L’homme n’est pas étranger au Luxembourg : il est notamment connu pour être le propriétaire de l’hôtel Le Royal, un des lieux de transactions de haut vol (ou se seraient notamment déroulées les négociations portant sur la reprise de la Cargolux par le Qatar, comme l’avait révélé le journaliste du 100,7 Jean-Claude Franck).

L’homme est sulfureux à divers égards : se faisant passer pour un exilé politique, d’autres préfèrent le qualifier de bras droit de feu Saddam Hussein (qu’il aurait aidé dans son accession au pouvoir). Il est également impliqué dans un grand nombre d’affaires, notamment d’Elf Aquitaine. Aussi se serait-il brouillé avec le régime de Hosni Moubarak, justement à cause d’un… transport d’armes au Caire. Auchi continue toutefois son bonhomme de chemin. Et jusqu’à présent, les enquêtes policières – luxembourgeoises – à son encontre n’auraient jamais pu être menées jusqu`au bout.

La guerre froide étant terminée, les menaces terroristes djihadistes (pilotées par qui d’ailleurs ?) étant certainement surestimées, les Srel doit servir à bien plus qu’à occuper des fonctionnaires. Par ailleurs, si le Srel est censé protéger les intérêts économiques du pays, ce sont ceux surtout d’une place financière. Dans ce contexte, la loi « antiterroris-te » de 2004 avait octroyé une latitude supplémentaire aux services concernant les infrastructures économiques, ce qui n’était pas innocent. On s’étonnera toutefois de la candeur de certains commentaires : le ministère a envisagé d’établir des relations économiques avec des pays « louches » – ou considérés comme tels. Mais nous avons trop tendance à oublier que le Luxembourg décroche probablement la palme d’or des affaires troubles dont l’affaire du Srel n’est que la partie émergée de l’iceberg.


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