Kox Laurent: Histoire de vignes

Laurent Kox a très tôt aimé se retrouver parmi les arpents pentus au dessus de Remich et suivre le cycle des grappes de la vigne.

Avec un des ses frères il exploite le domaine Laurent et Benoî t Kox est le sixième des onze enfants de François et Elisabeth Kox-Risch. Lui et son frère Benoî t ont repris le domaine viticole qu’avaient commencé les parents. Elisabeth ne s’est pas intéressée à la viticulture, elle n’avait pas la tête à ça. Par contre, une fois les petits hors de ses jupes, elle s’est lancée dans la politique. En première ligne contre la construction du réacteur nucléaire à Remerschen. Elle avait gagné cette bataille-là, bien petite victoire, car c’est sur le territoire français à Cattenom qu’un jumeau a été érigé – et évidemment Elisabeth ne s’est pas fait que des amis.

Laurent a très tôt aimé se retrouver parmi les arpents pentus au-dessus de Remich et suivre le cycle des grappes de la vigne. Si son père François vendait du raisin à la coopérative, il ne produisait pas de vin. Donc il n’y avait pas de commercialisation à faire, pas de clientèle à soigner, pas de repas-dégustations à élaborer. Laurent et Benoî t, par contre, ont leur cuvée. Ils préparent même une surprise „euro“ et montrent volontiers les cuves où fermente leur fameux blanc. Ils se sont également lancés dans la production d’un vin de paille, pour lequel on fait sécher le raisin avant de le laisser fermenter. Puis vient le „Äiswäin“, où le raisin subit les premières gelées, en principe jusqu’à moins sept, avant d’être cueilli. Il y a encore un Elbling rosé et un gris, proche des gris de Toul, pour mettre un peu d’atmosphère dans ce paysage mosellan parfois trop sage. Des audaces qui leur ont été reprochées, même si elles sont bien loin de l’attitude „va-t’en guerre“ maternelle. Un signe du temps qui rappelle la publicité Ikea: avant on refaisait le monde, maintenant, on refait la cuisine.

Accentuer les matières premières

N’empêche, Laurent connaît sa valeur et celles de son terroir. C’est d’ailleurs au goût des produits qu’une région se définit et c’est le point de départ de sa politique. D’abord il faut les inventorier et s’interroger. Il sait bien que la chaleur n’est pas sa plus grande alliée. On n’obtiendra jamais l’équivalent d’un vin grec. D’autre part, la mondialisation permet vite de changer de produit. Il faut donc en souligner ou en accentuer les qualités premières.

À présent, le consommateur luxembourgeois, prend l’avion et se retrouve en dix minutes ailleurs. Il a les moyens de s’offrir un apéritif sur n’importe quelle terrasse ensoleillée.

Autrefois, les fêtes du vin étaient les moments où les jeunes se retrouvaient, liaient connaissance. Cette joie familière de Breton, qui rejoint son clocher, a été petit à petit annulée par les discothèques de la ville. Fatalement les liquides qu’on y sert appartiennent à d’autres millésimes.

„D’ailleurs, la clientèle luxembourgeoise type diminue – nous sommes 200.000, dans trente ans, nous serons 150.000. Et l’on produit la même chose depuis cinquante ans. Jusqu’aux années 1990, la bouteille de vin de la Moselle luxembourgeoise coûtait six francs de moins que les autres“, explique Laurent, tout en constatant que depuis, le Rivaner allemand fait concurrence sur le marché. Le café du village lui aussi ne fonctionne plus comme avant. On y consomme plus volontiers du rosé ou du rouge. „Nous avons donc perdu la clientèle jusqu’à trente, trente-cinq ans. Après avoir voyagé, vu ailleurs comment les choses se passent, s’être un peu cultivé, vers quarante ans, elle revient au vin blanc. Alors qu’avant c’était le chemin inverse. Au bistrot local, on ne pensait pas à boire autre chose que du vin de la Moselle.“

Du stock des 100.000 bouteilles, Laurent Kox nous en montre une avec son étiquette typique. Plus tard, dans le salon avec vue sur la rivière, il expliquera les raisons de son choix: „Quand on débute un domaine, on espère que la descendance s’y intéressera, il faut bien sûr tenir compte des changements qui vont surgir et investir. Moi, cela m’a plu assez tôt. Derrière moi, ma fratrie devait encore grandir. Mon grand-père était plâtrier, nous ne l’avons pas connu, il est mort à la guerre. Mon père n’aimait pas trop ce type de travail, il n’est donc pas resté dans la branche.“

Le père avait un vignoble et un peu de terres à cultiver. Après la guerre, quand il a marié Elisabeth, il est resté plus cultivateur que vigneron. En 1977, Laurent et Benoî t ont commencé leur formation de technicien en viticulture. Après un passage obligé au Lycée technique agricole à Ettelbrück, ils ont suivi une formation de deux ans à Trèves et passé un an à Bad Kreuznach. C’est en 1988 qu’ils ont racheté l’entreprise parentale.

Il est encore un peu tôt pour savoir si les deux filles de Laurent se dirigeront vers le même métier. L’avenir se présente cependant prometteur: La „cuvée Laurent Benoî t“, un crémant, vient de recevoir une médaille. Benoî t justement, ce frère mystérieux, on ne le voit que sur les photos.

Les narines susceptibles de Laurent battent légèrement, ses yeux gris, un peu verts comme l’eau trouble, se mettent à rire: „Dréngt der eppes?“ En fin de matinée, est-ce bien raisonnable? Mais les verres sont déjà prêts. Chaque gorgée sera une petite fête dont on choie la venue. Les pavés de la cour gondoleront un peu en repartant.


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