CENTRAFRIQUE: De l`État-fantôme à l’État-canon

L’histoire de la République centrafricaine se confond avec celle des régimes militaires qui ont imprimé leur marque dans ce pays au coeur de l’Afrique. En décembre 2012, la rébellion Séléka a occupé la moitié nord du pays, mettant en déroute l’armée régulière. Le succès de cette offensive met en lumière l’instabilité sociopolitique de ce pays.

Le 24 mars 2013, après quelques semaines de répit, le président centrafricain François Bozizé est finalement contraint de fuir vers le Cameroun, où les autorités lui accordent un asile de quelques jours, tandis que la rébellion Séléka entre sans difficulté dans la capitale Bangui. Le palais présidentiel est conquis et Michel Djotodjia, nouvel homme fort du pays, s’autoproclame alors président de la République. Face à la détérioration soudaine de la situation, le Groupe de recherche d’information sur la paix et la sécurité s’interroge sur les raisons de ce bouleversement et sur la crédibilité de cet homme, qui, quelques semaines plus tôt, signait les accords de paix conclus avec le gouvernement à Libreville.

Michel Am Nondroko Djotodjia se fait connaître des médias internationaux lorsque la Séléka, jusqu’alors composée de deux mouvements rebelles, décide d’englober trois autres mouvements en décembre 2012. Le 11 Janvier 2013, c’est lui qui signe les accords de Libreville au nom de la Séléka, et le 3 février 2013, il est nommé vice-Premier ministre et ministre de la Défense dans le gouvernement d’union nationale, dirigé par l’avocat Nicolas Tiangaye, issu de l’opposition politique.

Accords de Libreville

Alors que le président Bozizé ne semble guère pressé d’appliquer certaines modalités de l’accord de Libreville (dont la libération des prisonniers politiques et le départ des troupes sud-africaines), la Séléka, mécontente, garde son emprise sur plusieurs villes occupées durant son offensive de la fin 2012. En face, les alliés tchadiens du régime envoient leurs meilleures troupes combattre au Mali, affaiblissant la défense de Bangui, tandis que le président congolais, Sassou-Nguesso, semble se lasser de son collègue centrafricain.

Autoproclamé chef de l’État, suspendant la constitution et instaurant un couvre-feu dans une ville de Bangui livrée aux pillards, Michel Djotodjia est donc devenu le nouvel homme fort du pays. Au mépris de la suspension de la participation de la RCA aux activités de l’Union africaine, prononcée le 25 mars 2013 par le Conseil de paix et de sécurité de l`Union, le nouveau président en treillis dit vouloir garder l’esprit de Libreville et promet d’organiser, dans un délai de trois ans, « des élections libres et transparentes avec le concours de tout le monde ».

Cependant, son intention déjà affirmée de se maintenir au pouvoir au-delà de ce délai jette un sérieux doute sur ses convictions démocratiques. L’esprit de Libreville et la substance de l’accord ont été dévoyés par le coup de force du 24 mars 2013. Pour cette raison, les nouvelles autorités de Bangui ne peuvent jouir que d’un crédit minime. Pire, le coup d’État pourrait plonger la RCA dans une véritable agonie.

En effet, le passage d’un État faible à un État établi par la force des armes, de l’État-fantôme de Bozizé à l’État-canon de Djotodjia, fonde à tempérer toute espérance. La floraison de groupes armés et l’enrôlement massif d’enfants-soldats par la rébellion posent l’épineux problème de l’avenir sécuritaire de la Centrafrique. La rupture de communion entre la tête de la rébellion et la base, prétexte par lequel la dernière offensive a été menée, inscrit le pays dans une randonnée peu enviable. L’extrême dépendance du pays envers les dons, subventions et prêts des partenaires extérieurs risque de compromettre durablement la sortie de crise et la pacification du pays.

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