BOMMELEEËR/SREL: Saint-Nitouche

Ni les menaces à peine voilées, ni le mépris des médias, ni encore ses essais pour semer la paranoïa générale n’ont pu aider Jean-Claude Juncker à étaler un écran de fumée sur l’affaire du Srel. Par contre, son intervention devant la commission d’enquête ressemblait à un exercice d’autodémolition.

La tâche à laquelle Jean-Claude Juncker était destiné en se présentant – officiellement pour un « échange de vues » – devant la commission d’enquête sur le Srel était dure, voire impossible. Restaurer la confiance en son image, celle de son parti et dans l’Etat tout court sans pourtant faire la transparence sur des questions brûlantes, est une équation qui ne se résout pas. Ainsi, en suivant l’audition publique du premier ministre, on a pu assister à un phénomène naturel très rare : la disparition de Jean-Claude Juncker, ou du moins le brouillage définitif de l’image qu’il renvoie.

Car voilà, le phénomène JCJ s’est brisé en deux images, l’une aussi négative que l’autre : soit il est naïf et incapable de mener son service, soit il ment ou du moins se tait sur beaucoup plus de choses qu’il ne l’admet. La première peut se lire dans le fait le plus commenté dans la presse quotidienne du mercredi, c’est-à-dire son silence sur l’affaire Reuter. Honnêtement, mettez-vous à sa place. En tant que chef politique du Srel, quelqu’un – apparemment même pas le directeur – vous informe que votre service paie le loyer de l’ancien président de la Cour des comptes, Gérard Reuter, mouillé dans une affaire de blanchiment d’argent sale et destitué par la Chambre des députés. Et alors ? Vous avez deux possibilités : soit vous demandez pourquoi le Srel paie le loyer à un déchu de la fonction publique, qui n’est pas « n’importe qui », comme l’a rappelé le président de la commission d’enquête à Juncker, soit vous cachez très vite votre tête sous un tas de sable pour ne rien voir. Mais dans un cas de figure comme dans l’autre, vous ne vous tirez pas indemne de cette affaire en prétendant que le pourquoi de l’affaire ne vous intéressait pas.

L’homme, l’être humain Jean-Claude Juncker apparaît comme broyé par ces deux images. Comment expliquer autrement sa nervosité, son agressivité, voire la suffisance avec laquelle il réagissait aux invectives – plutôt mollassonnes comme d’habitude – des députés ? Comment expliquer autrement ces menaces à peine voilées d’une grande revanche une fois l’affaire terminée ? Juste que cette menace pourrait aussi se retourner contre lui et cela pour deux bonnes raisons : soit l’affaire est vraiment résolue, ce qui aurait sans nul doute des conséquences pour son camp et certains de ces proches, soit elle ne l’est jamais et la confiance perdue de la population ne reviendra pas. D’ailleurs, on peut aussi remarquer que si Juncker voulait regagner la confiance de la population par son audition publique, cet exercice a abouti au seul constat que cette confiance, justement, est perdue. Nul besoin d’un sondage pour s’en rendre compte.

« L’homme, l’être humain Jean-Claude Juncker apparaît comme broyé par ces deux images. »

Tout cela pourrait être plutôt drôle et inoffensif si Juncker n’avait pas commis la faute de vouloir – si déjà la confiance est perdue – en ajouter au climat de méfiance générale. Son mépris pour le travail des médias, qu’il affiche comme d’autres pontes du gouvernement comme Luc Frieden, qui préfère informer des journaux internationaux de ses agissements plutôt que convoquer la presse locale, n’est qu’un pan du problème. C’est surtout cette phrase : « Je ne sais même plus qui manipule qui ici », qui dit tout. En essayant de sortir soi-même de la ligne de mire, le premier ministre a admis implicitement que les choses ne tournent pas rond dans l’Etat et qu’il en est parfaitement conscient.


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