ÉLECTIONS SOCIALES: Le grand scrutin

Finalement, l’automne 2013 sera riche en élections. Parlementaires comme nous le savons depuis peu, mais aussi sociales, comme prévu. Ce qui était moins attendu, c’est que par conséquent, la loi les concernant ne sera pas modernisée.

Le plus gros « parlement » du Luxembourg : la Chambre des salariés sera élue un mois après la Chambre des députés.

L’avantage avec les élections sociales, c’est qu’il n’est nul besoin d’interpréter une constitution lacunaire ou la décision d’un monarque représentatif pour connaître la date à laquelle elles auront lieu : le 13 novembre de cette année. L’autre avantage, c’est qu’avec 400.000 électrices et électeurs, les élections sociales ont le mérite d’être les plus représentatives du pays. Car contrairement à la Chambre, le droit de vote, passif ou actif, ne se borne pas à la nationalité : tous les créateurs de richesses, résidents ou frontaliers, sont appelés à participer

Mais ces élections risquent de faire doublement les frais des élections législatives anticipées. Pour des raisons évidentes d’une part : tous les feux des projecteurs seront tournés, du moins jusqu’au 20 octobre (si la date est confirmée), sur le renouvellement du Parlement. Mais il y a un autre problème : l’arrêt des travaux parlementaires signifie également que le projet de loi concernant la modification du « dialogue social dans les entreprises » ne sera pas adopté par la Chambre. Les prochaines élections des délégations et de la Chambre des salariés se feront donc en toute probabilité selon les anciennes modalités.

La représentativité des salariés a une longue histoire. Elle a commencé à la sortie du premier conflit mondial, période houleuse au grand-duché qui vit l’essor du mouvement ouvrier : en 1919, un premier arrêté grand-ducal institue le conseil d’usine permanent, et c’est en 1925 qu’un autre arrêté crée les délégations ouvrières dans tous les établissements industriels comptant au moins 20 ouvriers. Il faudra attendre une cinquantaine d’années, en 1974, avant une révision en profondeur instituant les comités mixtes dans les entreprises du privé et la représentation des salariés dans les sociétés anonymes. Par la suite, il n’y aura plus de modification significative, hormis en 1979 avec la réforme de la législation sur les délégations.

Une modernisation qui traîne

Pourtant, la discussion reprend en 1999 à l’initiative de la déclaration gouvernementale de Juncker, à la tête du nouveau gouvernement CSV-DP : il y annonçait une refonte d’ensemble des textes concernant les délégations du personnel et de la cogestion. Trois ans plus tard, la Chambre adopte une motion allant dans la même direction. Mais rien ne bouge vraiment. Et il faudra attendre à nouveau dix ans. En 2009, le deuxième gouvernement Juncker-Asselborn annonce à nouveau une réforme. Et en effet, ce gouvernement s’attelle à la tâche. Lentement, il est vrai : il lui faudra près de quatre ans avant de finalement déposer un projet de loi, au mois de février de cette année. Promptement, la Chambre des salariés l’avise au mois de mars et celles du commerce et des métiers en publient un avis commun au mois d’avril. Finalement, c’est le Conseil d’Etat qui donne son avis le 2 juillet, soit exactement huit jours avant que Juncker n’annonce à la Chambre qu’il demandera au grand-duc de convoquer de nouvelles élections. Une si longue attente pour finalement achopper si près du but.

Les principaux intéressés trouvent cela dommageable. C’est en tout cas l’avis des secrétaires généraux aussi bien de l’OGBL, André Roeltgen, que de la FNCTTFEL, Jean-Claude Thümmel. D’ailleurs, Roeltgen n’accepte pas l’argument propagé selon lequel la complexité du dossier, suite au remarques du Conseil d’Etat, n’aurait pas permis d’avancer rapidement. « Le ministère du Travail aurait très bien pu intégrer ses propositions dans le texte, dont beaucoup sont intéressantes », explique-t-il. Avec « un peu plus de motivation », cela aurait été possible. Et de rappeler que sur certains sujets, lorsque l’urgence le commande, bien des projets de loi peuvent être adoptés dans un temps record, comme ce fut récemment le cas avec les bourses étudiantes. Car le projet en cours, malgré certaines insuffisances, est grosso modo salué par les syndicalistes. Thümmel apprécie pour sa part la réforme sur le congé politique ou bien l’introduction d’une formation pour les délégués suppléants.

En tout cas, étant donné qu’il faudra attendre la prochaine législature avant de voir le projet soumis au vote de la Chambre, cela donnera l’occasion aux syndicats d’interpeller les partis au sujet de la participation des salariés dans l’entreprise. Et André Roeltgen assure que l’OGBL leur adressera un tel questionnaire : « Et nous attendons d’eux qu’ils s’expriment en faveur de plus de participation des salariés », conseille-t-il.

Toutefois, le secrétaire général de l’OGBL craint que les élections anticipées, et avec elles la formation gouvernementale qui suivra, ne conduisent le ministère du Travail à délaisser ces élections, notamment au niveau de l’information des salariés. Si les entreprises sont tenues de veiller à ce que leurs salariés soient correctement informés, Roeltgen espère que l’Inspection du travail et des mines fera son devoir de contrôle. Car contrairement aux élections législatives, chapeautées et validées par le ministère de tutelle qu’est celui de l’Intérieur, ce n’est pas le cas des élections sociales. Et un certain nombre d’imperfections dans la législation actuelle peut provoquer des litiges, comme ce fut d’ailleurs le cas aux élections précédentes. Cela concerne notamment des incohérences relatives aux délais pour le dépôt des listes, au calcul des effectifs au sein de l’entreprise (ce qui a un impact sur le nombre et les droits des délégués) ou bien encore de savoir si une liste est acceptée ou non en cas de retrait d’une candidature.

Une législation lacunaire

En tout cas, la participation lors de ces élections peut être très forte – notamment si la présence syndicale l’est également. C’est par exemple le cas aux CFL. Thümmel l’estime à environ 90 pour cent. Ceci est bien évidemment dû à la présence des délégués syndicaux qui encouragent les salariés à participer au vote, mais aussi à la possibilité, en plus du vote par correspondance, de voter sur place dans une urne. Tout est donc une question de motivation, y compris celle de se porter candidat. « Pour nous, le renouvellement est crucial », explique-t-il, « voilà pourquoi nous encourageons fortement les jeunes salariés à se porter candidats ». Avec un certain succès paraît-il : par rapport aux élections précédentes, le taux de renouvellement sur les listes est d’un tiers avec une tranche d’âge oscillant entre 24 et 35 ans.

Mais il concède qu’il reste encore beaucoup de travail à réaliser concernant la représentation des femmes. Chose assez délicate, surtout dans une société aussi « masculine » que les CFL. Une société qui tend toutefois à se féminiser : ainsi, Thümmel estime que le personnel d’accompagnement comporte un tiers de femmes. Leur présence est aussi plus importante dans les guichets. Par contre, ce n’est toujours pas le cas dans les métiers traditionnellement sexués comme la mécanique (où elles ne seraient que trois ou quatre contre environ 300 hommes) ou bien les conducteurs de locomotives.

Chez l’OGBL, les préparatifs battent également leur plein. Et si la plus grande centrale syndicale dispose d’un appareil important, le travail à accomplir est néanmoins herculéen : il y avait 5.000 candidats lors des dernières élections sociales. Bien que ce chiffre doive baisser cette année en raison de la fusion des statuts, le nombre reste impressionnant. A ce stade, Roeltgen confirme que déjà 2.100 candidatures ont été validées. Reste à savoir si cette année, l’OGBL pourra encore creuser l’écart par rapport à son principal concurrent, le LCGB. Cela compte également pour la Chambre des salariés où actuellement, l’OGBL détient 36 sièges sur 60. Un résultat de rêve pour tout parti politique.


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