NÉOFOLK: L’éternel incompris

Sans doute un des artistes luxembourgeois qui connaît le plus de succès et de reconnaissance à l’étranger, Jérôme Reuter, est avant tout un expert quand il s’agit de se poser en phénomène contre-culturel.

Rome, derrière qui se trouve Jérôme Reuter, fera une de ses rares apparitions lux embourgeoises à l’Exit07.

Il faut l’admettre : Rome, le projet solo de Jérôme Reuter est un phénomène, une success story comme rarement un artiste luxembourgeois l’aura connu. Peut-être même le seul qui ne sillonne pas dans les réseaux de la musique classique ou du jazz mais qui s’est fait connaître dans une niche musicale spécialisée et qui se considère comme une contre-culture mondiale – le néofolk.

Mais avant de devenir une figure majeure dans ce genre, Jérôme Reuter a aussi dû chercher sa voie. Adepte de la scène hardcore qui gravitait autour de la Kulturfabrik squattée des années 1990, il hésite d’abord entre les genres. Du metal, il vire au punk pour finalement se réaliser une première fois avec succès avec un des groupes les plus controversés de l’époque : The Skinflicks. En flirtant avec l’image du groupe de skinheads, ils avaient vite fait de scinder la scène du moment. Quoiqu’ils aient toujours assuré ne pas vouloir faire dans le racisme et la violence d’autres groupes du genre, ils en réunissaient néanmoins plusieurs clichés majeurs dans leur attitude, leur musique et leurs textes. Photographies de bottines aux lacets blancs sur la couverture intérieure, chansons simplistes à gueuler à tue-tête même avec une intoxication alcoolique et toujours le même schéma textuel : nous les incompris, la confrérie, contre tous ces autres bien-pensants avec leurs mauvaises intentions.

Cette attitude est depuis devenue une sorte de génétique de la créativité de Reuter, dont le taux de production n’a depuis pas cessé de croître. Après plusieurs années passées à animer un projet appelé Mack Murphy and The Inmates, où il se plaisait à incarner le Tom Waits local, Reuter devient Rome et se concentre uniquement sur sa carrière solo. Et avec un succès fracassant, puisqu’il est vite repéré par le label culte de la scène néofolk « Cold Meat Industry » qui en 2006 produit son premier album, intelligemment baptisé « Berlin » – vous n’avez qu’à dessiner l’axe?

Cette provocation est surtout un calcul commercial, avant d’être une révérence tirée devant le Troisième Reich. Le fait est que c’est une des spécialités du genre néofolk que de jouer avec des symboles fascistes dans le but de provoquer. Les initiateurs de cette mouvance, un groupe anglais appelé Death in June – qui était clairement punk à ses débuts, mais qui s’est isolé de la scène ensuite, notamment pour ses préférences esthétiques qui frôlaient souvent celle des nazis. Mais bon, même Sid Vicious, le bassiste des Sex Pistols – cette invention de deux créateurs de mode – portait un t-shirt avec une croix gammée par pure provocation.

Toujours est-il qu’après ce coup d’envoi, Reuter semble pris d’une véritable frénésie créative. Ainsi, depuis 2006, il a sorti pas moins de dix albums, tourné à travers le monde entier en changeant entre-temps de label. Depuis 2009, il sort ses disques chez « Trisol Music Group », le label spécialisé dans la gamme darkwave, gothic et autres styles évoluant aux confins de la musique mainstream. S’il a depuis abandonné la coquetterie avec la symbolique fascisante – on trouve même un album dédié aux combattants d’Espagne dans sa discographie – Reuter est tout de même resté fidèle à plusieurs constantes. D’abord son style, qui se base toujours sur des sons martiaux et minimaux, une voix grave pleine de mystère balancée par une guitare acoustique très simple – qui est un must pour les adeptes du style, mais qui peut être d’un ennui mortel pour tous les autres (donc ceux qui ne veulent rien comprendre) – et puis aussi sa prédilection pour les thèmes historiques. C’est un peu comme s’il refaisait l’histoire à partir de sa position d’homme isolé. Une position qui lui permet aussi de surjouer ses propos sur fonds réactionnaires et machistes, car c’est tellement plus simple quand on peut se cacher derrière la façade de l’éternel incompris.

A l’Exit07, le 22 août.


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