SREL: Just because you’re paranoid?

En suivant l’actualité, on pourrait parfois croire que l’affaire du Srel serait close. Pourtant, il reste du pain sur la planche, comme le rappelle l’affaire « Frisch-Ersöz ».

(PHOTO : ©flickr_zigzagou)

Circulez, il n’y a rien à voir ! On pourrait résumer ainsi la réaction du ministère d’Etat qui a formellement démenti l’accusation de surveillance politique brandie un jour plus tôt par l’ancienne conseillère communale de déi Lénk, Janine Frisch. Pourtant, en réduisant la trouvaille de cette dernière à une « donnée passive isolée enregistrée en 2007 à l’occasion d’un retracement des communications avec la personne cible », le ministère admet au moins qu’il y a eu surveillance. De plus, comme l’a écrit le procureur d’Etat adjoint Georges Wivenes, qui préside l’Autorité de contrôle à la protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, le traitement que le Srel a réservé à Janine Frisch « n’était pas légitime ». Donc, même si elle a été la cible des barbouzes à cause de ses contacts avec une personne cible, « inscrite sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne », comme l’écrit le ministère d’Etat, la justice admet que l’intérêt du Srel pour la personne de Janine Frisch était illégitime.

Si tous les sympathisants de la cause d’Ersöz ont été des suspects pour le Srel, est-ce que Jacques Poos ou Erny Gillen étaient aussi visés ?

Ce n’est pas la seule contradiction dans ce dossier qui date de 2006. A l’époque, l’affaire Ersöz, du nom de la journaliste kurde qui avait demandé l’asile politique au Luxembourg, mais que les autorités avaient enfermée à Schrassig, lui réservant un traitement indigne – une nouvelle d’ailleurs publiée une première fois dans le woxx à l’époque – avait conduit à un vaste mouvement de sympathie qui débordait les frontières politiques. Résultat : la justice luxembourgeoise a libéré Zubeyde Ersöz et celle-ci a obtenu l’asile politique. Et une question se pose : si tous les sympathisants de la cause d’Ersöz ont été suspectés par le Srel, est-ce que Jacques Poos ou Erny Gillen étaient aussi visés ? Car eux aussi avaient clamé haut et fort leur soutien à cette femme que les autorités gouvernementales traitaient comme une terroriste – sur incitation de l’Etat turc, dont le traitement qu’il réserve aux militants pro-kurdes est de notoriété publique. La réponse à cette question décide du oui ou du non de la surveillance politique : si seuls des militants de gauche ont été observés, alors il est clair que le travail du Srel était teinté idéologiquement. Dans le cas contraire, les choses seraient encore pires. D’ailleurs, il reste encore la question de savoir pourquoi Zubeyde Ersöz et son entourage apparaissent dans les fichiers du Srel – comme l’a confirmé Serge Urbany, qui l’avait découvert par hasard lors d’une visite des locaux du Srel – bien après que celle-ci a été acceptée officiellement comme réfugiée politique. Cela veut dire que les responsables du service de renseignement ne portent pas la justice de leur pays en grande estime.

Certes, les assertions de Janine Frisch sur des éventuelles filatures et un espionnage de ses ordinateurs ne sont pas vérifiables, et il se pourrait qu’elles relèvent plutôt du domaine de la paranoïa – ce qui est compréhensible après toutes les révélations des derniers mois, non seulement sur le Srel mais aussi sur les services américains. Mais la réponse sèche du ministère d’Etat n’aide pas vraiment à écarter ces doutes. Car beaucoup trop souvent au cours de ces derniers mois, des démentis formels se sont avérés inexacts ou ont ouvert les portes à d’autres affaires encore. En tout cas, la confiance en l’Etat – et surtout en les services sous l’égide des conservateurs – est définitivement ébranlée et laisse libre cours à une paranoïa sans limites. Ou pour le dire avec les mots du chanteur américain Kurt Cobain : « Just because you’re paranoid, doesn’t mean they aren’t after you. ».


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