DÉBAT D`ÉLÉPHANTS: Ça trompe, mais ça ne mord pas

Dans la dernière ligne droite avant les élections, les rondes d`éléphants font le bonheur des médias – mais pas nécessairement du public. Le récent débat de Paperjam montre qu’à côté des prétendants, il faut aussi des voix critiques plus désintéressées.

C`était long, très long. Sur fond de flonflons style Space Odyssey, les têtes de liste des partis CSV, DP, LSAP et Déi Gréng devaient présenter les points forts de leur programme avant d’entamer la véritable table ronde. Mais le débat organisé mardi soir par le très sélect Paperjam Business Club a au moins détruit quelques mythes. A la fin, lors de la séance de questions-réponses, le président de la Fedil Robert Dennewald demanda à celles des personnes dans la salle en faveur de l’abolition de l’index de lever la main – avec un succès pour le moins mitigé. Le monde de l’industrie et des affaires ne semble pas soutenir nécessairement les croisades de ses chefs. D’ailleurs, d’autres signes laissent penser qu’il s’agit d’un groupe moins homogène qu’on ne pourrait le croire.

Bien sûr, beaucoup de sympathies allaient vers le parti libéral représenté par sa tête de liste plus ou moins officielle Xavier Bettel. Sa performance lors de l’intervention de six minutes imposée à chacun des quatre « éléphants » était médiocre, mais il se rattrapa par ses attaques directes envers Jean-Claude Juncker et ses intermèdes humoristiques, profitant de son avantage à pouvoir manier le français comme langue maternelle.

Mais le représentant vert François Bausch a également recueilli beaucoup de soutien du public – notamment lorsque Jean-Claude Juncker se prononçait contre l’ouverture du droit de vote national aux personnes non luxembourgeoises, sous prétexte d’avoir « une angoisse blanche devant le cortège de réflexes malsains qui pourraient s’ensuivre ». Bausch riposta : « Je n’ai pas envie de vivre dans un pays où la fonction publique est encore la seule à exercer le droit de vote. »

Le premier ministre semblait d’ailleurs fatigué et peu motivé. Sentait-il que ni lui, ni le programme de son parti, le CSV, n’avaient les faveurs du public ? Jugeait-il que – encore un préjugé déconstruit – son électorat ne se trouve pas parmi les décideurs (et quelques décideuses) de toutes sortes ? En tout cas, il n’a même pas essayé de mener une opération de charme, et aux flèches envenimées de ces Oedipes qui étaient venus tuer leur père, il ne réagissait que mollement – que ce soit au sujet de l’affaire du Srel, de la réduction à deux mandats pour les fonctions de ministre, du déficit budgétaire, du chômage ou de la politique du logement. Il se montra même conciliant envers son challenger socialiste Etienne Schneider, déclarant : « Je n’ai aucune revanche à prendre par rapport au LSAP. »

C’est au plus tard ici que se faisait sentir l’absence d’une opposition plus fondamentale.

Schneider, quant à lui, jouait la carte de la modernisation, mais il restait dans la logique du « modèle luxembourgeois » en proposant comme « nouvelle niche » le banking islamique ou en affirmant que dans le cas d’une augmentation du taux de TVA, celui-ci « devrait être le moins élevé de l’UE ». Ou encore en vantant, en guise de mesure contre le chômage, l’implantation d’une nouvelle entreprise à Echternach qui produit des flacons en aluminium pour produits cosmétiques.

Personne ne lui a répondu que l’utilisation d’aluminium et d’aérosols est un prix écologique bien élevé à payer pour la création d’emplois. La remise en question de la politique de croissance était également taboue, y compris pour le représentant écologiste qui considérait que  « l’écologie n’est pas un frein à l’économie, mais un allié, sous condition qu’on la respecte ». Pas de grande bagarre non plus sur les responsabilités en matière de manque de logements – les quatre à la table représentant la coalition nationale autant que la ville de Luxembourg. C’est au plus tard ici que se faisait sentir l’absence d’une opposition plus fondamentale. Histoire de chatouiller quelque peu les éléphants.


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