SCHUEBERFOUER: Attendez-vous au pir

Lisez, lisez, l’histoire extraordinaire d’une fête populaire. Et apprenez l’épouvantable secret de la femme sans tête.

Avez-vous vu la femme sans tête? Ou celle sans jambes? Comme l’annonce une dame à l’accent incertain: „Elle vient d’une famille normale. Ce n’est pas magique, ni scientifique. Cette femme est quelqu’un comme vous et moi.“ Mais ne révélons ceci, qu’après cela.

La Schueberfouer est une étape régulière dans la vie des Luxembourgeois et Luxembourgeoises. Depuis 1340 elle en a vus, des grand-ducaux, tout comme maints touristes. Et, depuis tout ce temps, elle en aura fait fuir tout autant.

Cette fête foraine fait tout de même partie de notre conscience collective. Celle-ci est donc constituée de nostalgies infantiles et d’impressions puériles. Il y a là les lumières, le bruit et l’odeur. Depuis belle lurette, les différents stands et toboggans diffusent des rythmes monotones les uns contre les autres. Le tout culminant en un mélange inaudible de boum-bada-boums pouvant représenter pour certains le berceau de ce que l’on appelle aujourd’hui la musique techno. Sans oublier les grésillements d’huiles de fritures et le charabia des vendeurs de rue. „Ihr hängt am Geld wie das Karnickel am Fell und das Schwein am Leben“, se plaint ce vendeur d’un toujours révolutionnaire coupe-légumes. C’est là sa dernière tentative pour inciter à l’achat de cet ustensile, tout aussi inutile que ceux dont ses voisins font l’éloge. Mais à voir sa moue, une fois que les curieux finissent quand même par passer leur chemin, il ne se trouve sans doute plus très drôle lui-même.

Online foireux

Si toute tradition cherche à se renouveler – de temps en temps – un petit tour sur fouer.lu montre tout de même que rien n’est ébranlé à la „Schueberfouer 2002“. Il y a bien là un concours de beauté? Mais à voir les photos de ces Fouergirls, ce concours-ci ne fera guère de jalouses en territoire Spidergirl, plus classes et moins habillées. Ici, ça ne mange pas de pain, comme dirait le Fransous, mais plutôt des Gromperekichelcher. Ou encore: un autre concours online, pour gagner des bons, intitulé: „Gewann mam Schuebi“. Mat weem? Passons

Côté loteries, le dernier cri à remporter chez soi est un vélo miniature au fonctionnement douteux. On pense à ceux montés par des ours dans des cirques russes. Sans doute faut-il un très bon sens de l’équilibre pour pouvoir rouler avec.

Equilibre que voudra-vous prendre le toboggan „Star-World“. C’est la toute nouvelle attraction de cette Fouer. Elle attire avec un géant de fer nommé „Galactor“ – au regard pathétiquement vide – vers un trajet en récipients tournoyant, vous transportant vers des hauts et des bas. Le tout dans le noir le plus complet, excepté quelques lasers et un grain de train fantôme. Ce qui offre quelques bons secouements. Ce qui se termine également presque aussitôt après avoir commencé. Circulez, y a plus rien à voir ici. Et puis, en d’autres lieux, ça secouera bien mieux.

L’attrape-nigaud le plus énigmatique de cette édition de la Schueberfouer est tout de même la „Revue der Illusionen“. En ces temps de manipulations numériques, on vous attire ici par des images peintes de femme sans tête ou d’une autre, sans bas du corps, présentée sur un plateau. Très appétissant? Et on vous montre, pour mieux vous appâter, un corps de femme aux longues gambettes dénudées avec, en guise de tête, une cheminée éclairée de l’intérieur par une ampoule électrique. Un certain chic rétro n’est pas à nier. Mais que propose-t-on une fois l’entrée payée? Déjà, n’entrez pas trop tôt, parce que vous attendrez que le spectacle à l’extérieur se refasse une ou deux fois pour que la petite salle soit bien pleine. La moitié de femme ne semble pas vouloir se montrer devant une moitié de public. A peine au Glacis, qu’elle a la grosse tête? Puis, en un quart d’heure, le spectacle de magie le plus rapide du monde Avec des présentations, illico-presto, de femmes sans tête, et d’autres sans jambes, assez douteuses. Et le fameux secret derrière tout cela? Eh bien, on n’en divulguera rien puisqu’on n’en a pas la moindre idée. Cela vous froisse un peu? Ah mais, les attentes déçues font aussi partie de la Schueberfouer; une fête foraine qui donne traditionnellement raison à ceux et celles qui savent s’attendre au pire.

PS: Tenez, il y a aussi un bout de macadam sur lequel une personne, du haut d’une montagne russe, s’est écrasée jadis. Mais tout ça est déjà bien oublié.

Germain Kerschen


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