ROMAN POLANSKI: Vénus furieuse

Avec « La Vénus à la fourrure », Polanski nous procure une relecture très personnelle du roman de Sacher-Masoch – entre rapports de pouvoir inversés et message féministe.

Le metteur en scène va vivre une expérience inédite avec son actrice principale.

Le théâtre a toujours été une composante essentielle dans les créations de Polanski. Tout au long de sa carrière, il a alterné les planches et les sets de films – en fait, il est retourné au théâtre à chaque fois que le monde du cinéma lui tirait la langue. Et vu qu’il a quand même connu quelques revers au box-office, le monde de la scène lui doit plusieurs très belles adaptations. Mais ce n’est que depuis « Carnage », d’après la pièce de Yasmina Reza, en 2011, qu’il mélange les genres et adapte des pièces de théâtre au cinéma. Son parti pris esthétique est peut-être moins radical que celui de Lars von Trier dans sa trilogie – restée inachevée – « Dogville » et « Manderlay », où l’enfant terrible danois a tourné dans des sets minimaux, souvent juste dessinés à la craie sur le sol. Mais dans « La Vénus à la fourrure », Polanski ne sort pas de l’espace théâtral.

Pourtant, dans son film, il raconte une histoire dans l’histoire. Celle de Thomas, un metteur en scène qui se prépare justement à monter « La Vénus à la fourrure » et qui pour cela auditionne des jeunes filles pour le rôle de Vanda, la principale héroïne du roman sulfureux de Léopold von Sacher-Masoch. Alors qu’il est sur le point d’abandonner son ambitieux projet, qui est en même temps sa première mise en scène, faute d’actrices talentueuses, surgit alors Vanda. Portant le même prénom que l’actrice principale, elle rassemble toutes les particularités que Thomas, en bon intello-bobo, déteste : elle est vulgaire, ne semble rien connaître à la pièce et ne semble surtout pas rechigner à utiliser ses atouts corporels pour avoir le rôle. Mais, petit à petit, le jeu s’inverse. Thomas, qui était sur le point de partir, décide d’accorder malgré tout quelques minutes à Vanda. Il va bientôt se rendre compte qu’il se trompait à cent pour cent sur la jeune femme. Non seulement elle connaît ses lignes et s’est déjà procuré les vêtements nécessaires, mais elle a aussi intériorisé le rôle de Vanda à en donner froid dans le dos. Au cours de la soirée, qui va durer toute une nuit, Thomas va voir et vivre l’oeuvre de Sacher-Masoch d’une façon qu’il ne s’était sans doute jamais imaginée et ne va probablement plus jamais être le même après sa rencontre avec Vanda.

Si « La Vénus à la fourrure » est une telle réussite, ce n’est pas uniquement dû aux talents indiscutables de Polanski. Ses deux acteurs, Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric y sont aussi pour quelque chose. Le rôle de Vanda colle à la peau d’Emmanuelle Seigner comme une vraie fourrure, surtout dans les moments magnifiques où elle alterne entre l’actrice et la figure romanesque. Polanski a bien fait de donner ce rôle à celle avec qui il partage sa vie. Et Mathieu Amalric, qui avec sa mèche ressemble comme deux gouttes d’eau au jeune Polanski, dépasse très vite la caricature de l’intello qu’il incarne avec brio au début du film, pour plonger complètement dans cette figure d’un homme poussé à bout par une femme et par sa propre – et pauvre – conception de la masculinité. Mais il le joue sans pathétisme, de façon à permettre au spectateur, voire aux spectatrices, d’avoir l’empathie nécessaire pour se laisser entraîner avec lui.

Sans vouloir faire dans la théorie du genre, « La Vénus à la fourrure » est une exploration brillante des rapports entre hommes et femmes et servira probablement de base à quelques discussions bien chauffées à celles et ceux qui auraient l’idée d’aller le voir en couple.

A l’Utopia, Kursaal, Ciné Waasserhaus et Ariston.


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