JEAN-MARC VALLÉE: Guérison mortelle

La presse s’est littéralement enflammée pour le nouveau long métrage de Jean-Marc Vallée « Dallas Buyers Club ». Tant d’articles ont été écrits sur l’investissement des deux acteurs principaux Matthew McConaughey et Jared Leto, que finalement peu se sont arrêtés sur le film en soi.

Face à la mort, il mène un combat à bras le corps.

Dallas, à la fin des années 1980. Ron, cowboy notoirement homophobe, profite de la vie à sa manière entre sexe, drogue, rodéo et paris illégaux. A l’issue d’une bagarre, il est diagnostiqué séropositif. Cette révélation va bousculer sa vie mais surtout sa vision du monde. C’est avec acharnement qu’il va se démener pour sa survie.

Si ce film a autant fait parler de lui, c’est sans doute pour ses acteurs célèbres et malheureusement pas pour son réalisateur remarquable mais méconnu. Même s’il s’agit de sa première production hollywoodienne, Vallée – qui a entre autres réalisé « C.R.A.Z.Y. » et « Café de Flore » – reste fidèle à lui-même. La mesure, le tact, la sensibilité sont les atouts majeurs de son travail. Ici encore, le cliché, auquel il serait facile de succomber, est absent. L’humanité semble être la clé de la réussite ; il en est imbibé. Tout repose sur un équilibre savamment mesuré : la personnalité un peu crasse et abrupte de Ron est contrebalancée par la douceur et la compassion de Rayon, un travesti, toxicomane et compagnon de misère de Ron, en même temps le dysfonctionnement du système bureaucratique contraste avec les rouages bien huilés du « Buyers Club ». Une association dont l’adhésion donne accès à un traitement non approuvé par l’Etat américain et gratuit – une façon de contourner le système de santé sclérosé de l’époque. De plus, Vallée expose très clairement mais avec subtilité le contexte historico-politique. L’entité du film transpire le Texas ; c’est-à-dire le conservatisme, l’homophobie, le racisme. D’un autre côté, vu que la société de l’époque est totalement désemparée face à l’épidémie, la critique reste implicite.

La force du film est son approche non machiavélique ; le « Buyers Club » n’est pas un anti-modèle gouvernemental. Mais la magie opère principalement à travers l’humanisation du protagoniste. Il ne change non à cause de sa maladie mais grâce à elle et aux gens qu’il va côtoyer ; une sorte de guérison de l’âme à travers un virus mortel. De plus, c’est par le biais de la maladie que sa vie prend un véritable sens, qu’il s’engage pour une cause tout en restant malgré tout rogue.

Le coup de génie de Vallée est de ne pas avoir fait un film militant. Des sauts temporels, qui sont assez caractéristiques de ses oeuvres, rendent compte de la portée de l’action mais laissent une certaine « vie privée » aux personnages. Ils ne sont pas des bêtes de foire qu’on expose ; seuls leurs agissements nécessaires à la compréhension de l’histoire sont pris en compte. Le même principe vaut pour le montage et les couleurs. Le plan du début par exemple s’apparente à celui de clôture. Le récit s’ouvre et se clôt sur un plan d’une piste de rodéo observée entre deux barrières – ce qui fait de « Dallas Buyers Club » une entité cinématographique fermée. Les couleurs sont assez absentes, mates, les décors sont crades, cela traduit à la perfection l’atmosphère. Les seules touches de couleur sont les maquillages et les vêtements du bien-nommé Rayon, qui fait d’autant plus ressortir sa personnalité hors du commun.

Vallée réalise un long métrage extraordinairement bien construit qui a mérité les prix pour lesquels il concourt. Moins pour les acteurs que pour le montage, les maquillages et la mise en scène, même s’il faut bien avouer que Matthew McConaughey est métamorphosé, certes davantage par son physique que par son jeu. Quant à Jennifer Garner, elle est tout aussi inefficace que son personnage, ce qui, par là, ne nuit pas trop au film. Et en ce qui concerne Jared Leto, sa performance aurait bien tendance à faire de l’ombre au rôle principal. Quelle que soit votre raison, allez le voir !

Aux Utopolis Belval et Kirchberg.


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