REPORTERS SANS FRONTIÈRES: Ennemis d’Internet

Mettre en lumière les institutions au centre des systèmes de surveillance ou de censure, voilà l’objectif du rapport « Ennemis d’Internet » de RSF, publié à l’occasion de la Journée mondiale contre la censure, le 12 mars.

Les Américains eux-mêmes n’hésitent pas à marcher sur les pieds de Miss Liberty. (PHOTO : WIKIPEDIA PD)

Désigner comme « Ennemis d’Internet » des institutions plutôt que des Etats permet de mettre en évidence la schizophrénie de certains pays lorsqu’il est question des libertés en ligne. Ainsi, sur les 31 institutions désignées « Ennemis d’Internet » par Reporters sans frontières, trois appartiennent à  des démocraties qui se veulent traditionnellement respectueuses des libertés fondamentales : le Centre de développement des télématiques en Inde, le Government Communications Headquarters (GCHQ) au  Royaume-Uni et la National Security Agency (NSA) aux Etats-Unis.

La NSA et le GCHQ ont espionné les communications de plusieurs millions de citoyens, dont de nombreux journalistes, introduit sciemment des failles de sécurité dans les matériels servant à acheminer les requêtes sur Internet et piraté le coeur même du réseau dans le cadre des programmes Quantum Insert pour la NSA et Tempora pour le GCHQ. Internet était un bien commun, la NSA et le GCHQ en ont fait une arme au service d’intérêts particuliers, bafouant au passage la liberté d’information, la liberté d’expression et le droit à la vie privée.

Les pratiques de surveillance massive de ces trois pays, dont certaines ont été révélées par le lanceur d’alerte Edward Snowden, sont d’autant plus intolérables qu’elles seront ? et sont déjà ? utilisées comme argument par des pays autoritaires tels que l’Iran, la Chine, le Turkménistan, l’Arabie saoudite ou Bahreïn pour justifier leurs propres atteintes à la liberté de l’information. Comment les Etats dits démocratiques pourraient-ils désormais s’ériger en donneurs de leçons quant à la protection des acteurs de l’information, alors qu’ils adoptent les pratiques qu’ils dénoncent chez ces régimes anti démocratiques ?

Dans la liste des Ennemis d’Internet 2014, on trouve également les « dealers de la surveillance » que sont les trois salons d’armement ISS World, Technology Against Crime et Milipol. Ces forums mettent en relation des sociétés spécialisées dans l’interception des communications ou le blocage de contenus en ligne avec des officiels et des représentants des gouvernements iranien, chinois, bahreïni, etc. Là encore, il convient de pointer le comportement ambivalent des démocraties occidentales : en 2013, TAC et Milipol étaient tous deux accueillis par la France. En décembre de la même année, cette dernière publiait pourtant un avis contraignant les sociétés françaises exportatrices de matériel de surveillance hors Union européenne à demander une autorisation auprès de la DGCIS (Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services). (…)

Internet était un bien commun, ils en ont fait une arme au service d’intérêts particuliers.

L’Iran peine à créer son « Internet halal », un réseau national déconnecté du Web et placé sous le contrôle absolu des autorités. La Chine, passée maître dans le contrôle de l’information en ligne depuis l’édification de sa « Grande Muraille électronique », vient à la rescousse des Gardiens de la révolution, du Conseil suprême du cyberespace et du Groupe de travail de détermination de contenus criminels. Cette collaboration a été annoncée  par le vice-ministre de l’Information iranien, Nasrolah Jahangiri, à l’occasion d’une visite du State Council Information Office de la République populaire de Chine.

Les élans pédagogiques de la Chine ne s’arrêtent pas là : le site d’information indépendant Zambian Watchdog a fait état en février 2013 de la collaboration des autorités zambiennes avec la Chine pour installer un système de surveillance du réseau Internet. (…)

Des solutions drastiques sont parfois employées : en novembre 2012, les autorités syriennes ont coupé les réseaux Internet et téléphonique pendant plus de 48 heures. En Chine, le 22 janvier 2014, pour bloquer la révélation d’un scandale financier éclaboussant les élites chinoises, les autorités ont coupé Internet pendant plusieurs heures. Au Soudan, le 25 septembre 2013, pour empêcher l’organisation de manifestations via les réseaux sociaux, les autorités ont coupé le réseau dans tout le pays pendant 24 heures.

Les autorités demandent de plus en plus souvent aux intermédiaires techniques, fournisseurs d’accès (FAI) et hébergeurs, de jouer les gendarmes du Net. (…)

De manière insidieuse, en France, les lois sur l’égalité homme-femme et la lutte contre la prostitution ont contribué à augmenter la responsabilité des intermédiaires techniques dans le filtrage des contenus après notification. L’article 17 du projet de  loi sur l’égalité femmes-hommes oblige les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs à identifier et à signaler tout contenu incitant ou provoquant à la haine sur une base sexiste, handiphobe ou homophobe.

Au Venezuela, le président Nicolás Maduro a obligé les FAI à filtrer des informations jugées sensibles. Ils ont été sommés de bloquer une cinquantaine de sites qui traitaient du taux de change et de l’inflation galopante, des thèmes contribuant à alimenter la « guerre économique » contre le pays. Ce qui n’a pas empêché de multiples mouvements contestataires de se développer face aux déséquilibres économiques et aux problèmes d’insécurité. Vendredi 24 février 2014, alors que de nombreuses photos des manifestations circulaient sur Twitter, les autorités vénézuéliennes ont à nouveau ordonné aux fournisseurs d’accès de bloquer le service d’images du réseau social Twitter. (…)

Le cadre juridique constitue souvent le premier outil pour museler l’information en ligne. Au Vietnam, en plus des articles 88 et 79 du Code pénal, le ministère de l’Information et des Communications n’hésite pas à légiférer afin de créer un cadre législatif toujours plus répressif. Ainsi, le décret 72, en vigueur depuis le 1er septembre 2013, définit une utilisation extrêmement restrictive des blogs et des réseaux sociaux puisqu’il limite leur utilisation à la « diffusion » ou au « partage » d’informations « personnelles », interdisant aux internautes d’aborder des sujets d’actualité ou d’intérêt général. (…)

Pour lire le communiqué en entier, télécharger le rapport et en savoir plus : http://12mars.rsf.org/2014-fr/


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