SELMA ET SELMA: Anniversaire d’une rencontre

Selma Hadrovic-Schauls (Mostar, 1962) et Selma Cimic (Bihac, 1962) se sont rencontrées au Luxembourg, il y a dix ans. Elles nous invitent à partager cet anniversaire le 18 juin à la Kulturfabrik.

La musique leur permet aussi de montrer qu’en leur pays d’origine, l’ex-Yougoslavie, „il y a une culture qui l’emporte sur la guerre et que nous avons une mémoire positive à sauvegarder“. Selma Cimic et Selma Hadrovic-Schauls.
(photo: Christian Mosar)

woxx: Quand et pourquoi êtes-vous arrivées au Luxembourg?

Selma Hadrovic-Schauls: Je suis venue en 1986, par amour. L’année précédente, j’avais rencontré Robi à Florence, tandis que je faisais un cours à l’université.

Selma Cimic: Je suis arrivée avec mon mari en 1992, peu avant que la guerre n’éclate. Il a une soeur en Belgique et nous avons décidé de tenter notre chance ici.

Comment vous êtes-vous rencontrées?

S. C.: Ici (chez Selma Hadrovic-Schauls)! Selma avait organisé une fête et j’y suis venue avec d’autres amis. Quand j’ai vu le piano, je n’ai pas pu m’empêcher d’en jouer, et alors nous avons découvert notre passion commune. C’était en 1993. A cette époque, il y avait une petite communauté bosniaque et nous avons commencé à organiser des réunions où nous chantions. C’était un plaisir pour nous et également une façon d’entretenir des liens et de partager la nostalgie de notre pays, qui vivait des moments très difficiles.

Des réunions avec les amis jusqu’à la scène…

S. C.: L’idée de nous produire en public et d’enregistrer n’est venue que bien plus tard. Cela nous permet aussi de montrer que, chez nous, il y a une culture qui l’emporte sur la guerre et que nous avons une mémoire positive à sauvegarder.

S. H.: Pour moi, c’est également une façon de soutenir les habitants de ma ville, qui avec Vukovar, en Croatie, est celle qui a subi la destruction la plus grave. J’aimerais que notre deuxième disque soit distribué gratuitement à Mostar, comme preuve de solidarité.

Pourquoi „Sevdah de Luxe“?

„Sevdah“, en turc, signifie amour, „sawda“ en perse, c’est la bile noire, qu’on attribue à l’excès de tristesse et le „sevdalinka“, d’origine bosniaque, est un poème d’amour lyrique. On a donc réuni trois éléments: amour, tristesse, musique. Et Luxe, à cause de Luxembourg! (rires)

Depuis quand vous intéressez-vous à la musique?

S. H.: Depuis l’école primaire. En ex-Yougoslavie, la formation musicale à l’école était très poussée, beaucoup plus qu’ici. J’en ai fait mon métier, car j’ai étudié la pédagogie musicale à l’université.

S. C.: Moi aussi, j’ai toujours adoré chanter. J’ai étudié la guitare et le piano. Or, j’ai fait des études d’ingénieur de génie civil. J’aime bien ma profession, mais la musique est restée ma passion.

En 2002, vous avez présenté votre premier disque, avec succès…

S. H.: Oui, nous étions très heureuses du bon accueil qu’a reçu le disque et du public chaleureux, qui a assisté à la soirée de présentation organisée par le Comité de coordination des associations bosniaques et par l’ASTI, grâce au concours de sponsors. L’expérience a été magnifique, car de nombreux musiciens venus de l’étranger, ainsi que d’autres installés ici, y ont participé.

C’est vrai, Selma Hadrovic, que vous vous sentez plus à l’aise lorsque vous chantez sur scène qu’en privé?

Oui, en privé j’ai plus le trac, sauf pendant les cours, où je chante souvent.

Et vous, Selma Cimic?

Je n’ai pas beaucoup le trac sur scène. Dès que j’ai une guitare et que je chante, je me sens comme un poisson dans l’eau. Et ce que j’aime le plus c’est chanter avec d’autres personnes.

Y a-t-il des différences remarquables entre les mélodies des différentes régions de l’ex-Yougoslavie?

S. C.: Ah, oui, et comment! En ce qui concerne la musique de la Bosnie, elle a beaucoup de traits orientaux, à cause de l’influence turque.

S. H.: En fait, un éventuel projet consisterait à enregistrer un disque où l’on trouverait un échantillon des différents rythmes et genres musicaux de l’ex-Yougoslavie.

Vous avez toutes les deux réussi à exercer votre profession au Luxembourg. Vous, Selma Cimic, travaillez à Senningerberg, et vous Selma Hadrovic-Schauls, enseignez la musique chez vous. Racontez-nous comment cela se passe.

S. H.: J’ai réalisé le rêve de créer une école de musique, „Musikand“. J’enseigne à jouer le clavier. J’organise des cours de „keyboard“ en groupe. Les cours se passent bien et j’en suis ravie. Je réfléchis à la possibilité d’organiser des cours pour adultes, dont éventuellement un, qui serait destiné à des femmes. Dans le passé, j’ai assuré des cours de français auprès de Caritas, pour des femmes provenant de l’ex-Yougoslavie et j’ai bien aimé cette expérience.

Chacune a deux enfants. Est ce qu’ils aiment aussi la musique?

S. H.: C’est marrant! Ma fille apprend à jouer le piano, comme moi, et mon fils préfère la batterie, comme son père.

S. C.: Elles aiment chanter. Mon aînée, en particulier, a une très bonne ouï e.

Que nous réservez-vous pour le 18 juin?

Nous avons choisi nos chansons préférées. Dans le programme, il y aura des chansons bosniaques et des chansons tsiganes.

Il y a plusieurs associations de ressortissant-e-s des anciennes républiques yougoslaves. Comment fonctionnent les rapports entre elles?

Nous faisons partie d’une association bosniaque. En fait, les rapports entre les personnes provenant de l’une ou de l’autre ancienne république sont plus personnels qu’associatifs. La guerre est encore très récente et il faut du temps pour que les esprits se calment et que l’équilibre se rétablisse. Vous savez, il n’y a pas une seule famille qui n’ait subi la perte d’un proche, ou de biens, ou qui ne soit pas traumatisée par la guerre. La reconstruction est un travail de longue haleine.

Des attentes particulières pour le 18?

Nous aimerions rencontrer un public varié, de tous les âges et de toutes les origines.

Après la conversation nous avons eu le privilège d’assister à un petit récital privé, avec la nouvelle guitare – fabriquée en Espagne – que Selma Cimic a reçu comme cadeau pour ses quarante ans et avec les deux voix, si belles et si différentes …

Interview:
Paca Rimbau Hernández

„Sevdah de Luxe“, en concert le 18 juin, à la Kulturfabrik d’Esch-sur-Alzette. Le woxx offre 4 tickets gratuits pour cette manifestation.


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