JEAN-PIERRE ET LUC DARDENNE: Fragilité et révolte

« Deux jours, une nuit », drame des frères Dardenne présenté à Cannes, retrace le parcours d’une femme qui se bat pour sa dignité et son emploi.

Solidarité et générosité se heurtent à des fins de mois sans argent… Marion Cotillard dans « Deux jours, une nuit »

Sandra est ouvrière et mère de famille. Sur le point de reprendre le travail après un congé de maladie dû à une dépression, elle reçoit un coup de fil qui lui coupe le souffle. Pendant son absence, la direction de son entreprise a mis ses collègues de travail devant un choix pervers : trancher entre le licenciement de Sandra ou leur prime annuelle de 1.000 euros par personne. Intimidés par leur contremaître et ayant besoin de la prime pour la plupart d’entre eux, les employés ont majoritairement voté pour l’éviction de Sandra. En persuadant le patron d’accepter un nouveau vote, une amie offre à la jeune femme la possibilité de récupérer son emploi. Celle-ci a exactement deux jours et une nuit pour convaincre ses collègues de travail, un à un, de renoncer à leur argent. Soutenue par son mari et son amie, Sandra doit renoncer à sa fierté et plaider sa cause. Commence alors un porte-à-porte contre la montre.

« Deux jours, une nuit », film des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, a été présenté en sélection officielle au festival de Cannes, où il a été nommé pour neuf récompenses. Il a reçu le « Prix du jury oecuménique », prix spécial décerné par un jury indépendant composé de chrétiens engagés dans le monde du cinéma. La production italo-belgo-française a, du moins en partie, été tournée à Seraing, à proximité de Liège.

Certaines critiques comparent « Deux jours, une nuit » à « Twelve Angry Men » de Sidney Lumet, dans lequel un juré renverse les convictions des onze autres qui sont persuadés que l’accusé, un jeune homme, a tué son père. Si les parallèles entre les deux films sont évidents, les frères Dardenne ont cependant affirmé ne pas s’être inspirés de ce classique.

En partant d’une situation simple, les réalisateurs réussissent à résumer tout le drame de nos sociétés néolibérales et des mécanismes sociaux qui les composent. Par la variété des rencontres que fait Sandra, « Deux jours, une nuit » dresse une sorte d’éventail des comportements humains. Solidarité et générosité se heurtent à des fins de mois sans argent et à la dureté de la vie. Empathie et bienveillance doivent faire face aux engrenages d’un monde basé sur la compétition et la concurrence. L’humanité doit céder la place à la productivité. Marion Cotillard, qui incarne Sandra brillamment, livre une performance hors du commun et plonge le spectateur dans ce tourbillon de mains tendues, de refus, d’espoir et d’égoïsme. Elle fait passer ce mélange de fragilité et de dignité, de faiblesse et de révolte inhérent à un personnage qui, malgré tout, préserve sa dignité à tout moment. Les différentes rencontres de Sandra pourraient s’avérer répétitives? elles ne le sont pas. Si le contenu des dialogues est semblable, les décors changent. A plus d’une reprise, les attentes du spectateur concernant la décision d’un certain collègue de travail sont déçues, un personnage antipathique et sombre fait preuve d’une générosité bouleversante alors qu’un personnage que l’on croyait particulièrement proche de Sandra prend une décision inattendue.

Le film est empli de moments imprévisibles, et ce jusqu’à la fin magistrale, où il atteint une intensité extraordinaire et vibrante. A aucun moment un jugement sur le comportement des personnages n’est émis. Au contraire, il y a dans « Deux jours, une nuit » une empathie rare qui, finalement, fait comprendre que chacun est victime et que personne n’est gagnant dans cette histoire. Un film empreint d’une profonde humanité, qui peut donner de l’espoir en ces temps de désespoir.

A l’Utopia.


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