COMMISSION EUROPÉENNE: Le bon candidat ?

Plus Juncker est sous attaque dans les médias internationaux, plus le réflexe patriotique de le protéger est fort. Pourtant, se laisser obnubiler par ce tourbillon, c’est aussi se priver du droit de poser les bonnes questions.

(Photo : SIP)

En 1990, le tabloïd britannique « The Sun » titrait « Up Yours Delors: At midday tomorrow Sun readers are urged to tell the French fool where to stuff his ECU » – une dizaine d’années plus tard, l’euro est devenu une réalité, partiellement aussi grâce à Juncker. Juste pour dire que l’aversion de la « Yellow Press » d’outre-Manche pour la politique européenne n’a rien de nouveau, tout comme sa vulgarité et son désamour pour la vérité. En ce sens, le catastrophisme face aux allégations ridicules contre Juncker parues dans le torchon british est un peu surjoué. La même chose vaut pour la couverture exécrable de la « Weltwoche » suisse – où Juncker et Schuman figurent aux côtés de Mussolini et Hitler. Quand on sait que Roger Köppel, le rédacteur en chef, est à l’espace médiatique germanophone ce que le fascisant Eric Zemmour est à la France, c’est presque un honneur d’être dénigré par cette personne. D’un autre côté, il ne faut pas oublier que Juncker a profité également tout au long de sa campagne, et même au-delà, de l’appui du plus grand tabloïd d’Europe – le Bild allemand – auquel il a même donné une interview le 11 mai dernier.

Qu’un politicien comme Juncker soit dorénavant vu comme le seul rempart de la démocratie européenne pourrait être ironique, si ce n’était pas si triste : cela montre l’état piteux de l’Union européenne.

Mais au-delà des polémiques, la presse britannique s’est aussi occupée plus sérieusement de « notre » Juncker. Ainsi « The Telegraph », qui dans une analyse se demande comment on peut sérieusement être supporteur d’un homme qui a érigé le mensonge en art politique européen, qui n’a pas réfréné son cynisme à l’égard des processus démocratiques et qui surtout vient de tomber dans son propre pays à cause d’une affaire de services secrets – loin d’être résolue. On pourrait y ajouter que, en tant que « Mister Euro », il a imposé l’austérité au Sud de l’Europe en passant par ses canaux préférés – et qu’il considère toujours légitimes – : les fameuses discussions portes closes, qui ne s’ouvrent que lors de sa pause clope syndicale. Qu’un politicien comme Juncker soit dorénavant vu comme le seul rempart de la démocratie européenne pourrait être ironique, si ce n’était pas si triste : cela montre l’état piteux de l’Union européenne. Et la question qu’on doit se poser est tout simplement : Juncker est-il vraiment le candidat idéal pour une Union européenne en péril ? N’est-il pas aussi un peu ce que David Cameron a déclaré : un Européen d’avant-hier ? et surtout : est-il un rempart contre la montée de l’extrême droite ? On peut, on doit même, légitimement avoir des doutes sans états d’âme sur sa personne et ses mérites.

Quant aux chances de remporter finalement la présidence de la Commission, les augures changent de jour en jour et la seule chose dont on peut être sûr, c’est que cela prendra encore longtemps. En tout cas, la démission de son « chief of staff » Martin Selmayr n’est pas un vrai signal : soit Selmayr n’y croit plus, soit il s’est entendu aussi bien avec Juncker que ce dernier avec son ancienne chef, Viviane Reding.

Quoi qu’il en soit, ce ne sera pas une Europe plus sociale et plus démocratique qui sortira de ce long processus. Si Juncker passe, ce ne sera qu’au prix d’un compromis avec les Anglais, et cela fera de lui un président faiblard. Et s’il ne passe pas, non seulement le petit halo de démocratie des élections sera effacé mais on aura droit à un-e candidat-e sorti-e tout droit du cabinet des horreurs de la docteure Merkel. Dans tous les cas, l’Europe est la grande perdante et il ne reste plus qu’à limiter les dégâts.


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