HERALDO SALAS ASTUDILLO: „Patte de chien“

Le Chilien Heraldo Salas Astudillo est né entouré du rythme du tango et a fait partie de l’opposition à Pinochet. Il s’est fait une réputation au Luxembourg en tant que musicien, mais aussi comme cuisinier hors pair.

Né à Valparaíso (Chili) en 1953, Heraldo Salas Astudillo est arrivé en Europe en 1996. Il a d’abord atterri à Louvain-la-Neuve et, depuis cinq ans, il réside au Luxembourg où il s’est fait une réputation à cause de son activité de professeur de musique, mais aussi comme bon cuisinier. „C’est normal“, dit-il, „chez-moi, l’hospitalité est une façon de vivre. On aime recevoir des gens à la maison et leur offrir à manger et à boire.“

woxx: Que faisiez-vous au Chili avant votre départ pour l’Europe?

Heraldo Salas: J’ai étudié à l’université catholique de Valparaíso et je me suis spécialisé en pédagogie musicale. J’ai travaillé comme professeur de musique à Valpara’so, à Viña del Mar et à Santiago, dans des lycées et dans des garderies. Je dirigeais aussi des ateliers de musique et des chorales.

Quelques mots sur votre ville natale …

Valparaíso est une ville très spéciale. En tant que ville universitaire, elle a une tradition intellectuelle remarquable. Elle est bohémienne et sa vie nocturne – surtout en hiver – est célèbre. Jusqu’en 1940 – année de l’ouverture du canal de Panama – son port a été le plus important de l’Amérique du Sud. Elle a accueilli une forte immigration anglaise, allemande, italienne et espagnole. C’est une ville folle, qui a été très importante pour Pablo Neruda, dont la maison, „la Sebastiana“, se trouve à 50 mètres de la mienne. Valparaíso vit au rythme du tango. On y trouve des „tanguer’as“ comme „Imperio“ et le „Club de tango Valparaíso“, où l’on joue souvent du tango „live“, interprété pas des artistes de la qualité de Carmen Lorena. Un côté bien moins gai de l’histoire de cette ville est que le 10 septembre 1973 s’y est produit le soulèvement militaire, qui a précédé le putsch du 11 septembre.

Vous y êtes resté quand-même. Vous avez fait partie de l’opposition au régime de Pinochet, mais en 1996 vous êtes parti Ù Pourquoi?

Depuis tout petit, je rêvais de parcourir le monde. Nous, Chiliens, nous sommes des voyageurs. On nous appelle „patte de chien“, qui va partout. En 1996, des raisons sentimentales m’ont amené en Europe. A Louvain, j’ai étudié à la faculté de musicologie des méthodes de travail orientées vers les enfants et les jeunes. J’y ai rencontré Lucien Dacrémont, mon maî tre. C’est une des meilleures périodes de ma vie.

Ensuite vous arrivez au Luxembourg …

Un ami chilien m’a suggéré de venir travailler pour une association culturelle chilienne. J’ai été attiré par l’idée de connaî tre un nouveau pays et de continuer à développer ma tâche de formateur. Malheureusement, je n’ai pas reçu le soutien de mes compatriotes, comme je l’espérais, à cause de leur méfiance. Ceci m’a montré que la nationalité n’est pas synonyme de communication.

Si vous y êtes resté, cela signifie que vous y avez réussi quand même?

Oui, et ça marche très bien. Je travaille avec des élèves de l’Ecole européenne, j’organise des ateliers dans lesquels j’ai des élèves de plusieurs nationalités et où nous travaillons sur le folklore latino-américain. A travers les chansons et la musique, les élèves s’initient aussi à la langue. J’ai également organisé un atelier de guitare pour débutants et une chorale. Tout d’abord je m’intéresse à développer la sensibilité et le plaisir de la musique. La technique vient ensuite. J’ai aussi travaillé comme bénévole dans un centre de logopédie. Pendant trois ans, j’ai conduit une émission à „Radio Latina“. Dernièrement, j’ai participé à la création de la section culturelle latino-américaine des communautés européennes, qui organise des concerts et des expositions avec des artistes provenant de l’étranger ou résidant au Grand-Duché. Cette association a donné également son appui solidaire aux victimes de la dernière catastrophe naturelle au Chili. Et puis j’ai comme projet de créer une école de musique latino-américaine avec mon fils.

Jusqu’à présent, quel est votre bilan de l’expérience luxembourgeoise?

Il est très positif. Luxembourg m’a permis de devenir plus mûr, de réaliser mon rêve: faire de la musique mon moyen de vie.

Pourquoi n’êtes-vous retourné au Chili qu’en 2001?

Parce que je n’avais pas mes papiers en règle. Je n’ai pas pu y aller, même lorsque ma mère est tombée gravement malade. En 2001, je me suis recueilli devant sa tombe. Cette visite m’a permis également de rétablir les rapports avec mon fils et les vieux amis.

Des projets au Chili?

Créer, à Valparaíso, un centre culturel pour des artistes de cette ville et de l’Amérique latine en général, avec Telmo Aguilar, qui a fait des émissions musicales pendant la période de la dictature et qui est resté un de mes meilleurs amis.

Cela entraînera-t-il votre retour au pays natal?

Non. Il s’agit plutôt de donner, aux gens qui habitent là-bas, des moyens que je n’ai pas eus quand j’y étais et de rendre à mon pays un peu de tout ce qu’il m’a donné.

Comment voyez-vous la situation actuelle du Chili?

Mon impression est assez positive. Mais je regrette que la population, en général, et les jeunes, en particulier, montrent si peu d’intérêt pour la participation politique. A la base de cette démotivation, je vois l’influence de la droite, et cela depuis les années précédant 1973. Sans oublier la corruption dont même certains membres des organisations de gauche ont fait preuve et qui n’a guère favorisé l’enthousiasme des nouvelles générations. On remarque encore des séquelles de la dictature, comme l’interdiction dans certains établissements universitaires de créer des fédérations d’étudiants. Or, les Chiliens n’ont pas oublié les progrès dus aux politiques progressistes, notamment en ce qui concerne les domaines de la santé et de l’éducation et les derniers chefs d’Etat font des efforts pour récupérer ces acquis. J’aimerais que, à l’instar de ce qui s’est passé en Argentine, la loi qui octroie l’impunité aux responsables de la mort et de la disparition de milliers de personnes soit abrogée.

Quelles sont vos chansons préférées?

Il y en a plusieurs, mais j’en souligne deux: „Pequeña serenata diurna“ de Silvio Rodríguez et „Aquellas pequeñas cosas“ de Joan Manuel Serrat.

Quel plat chilien conseilleriez-vous?

Le „curanto“, que je prépare avec du porc, du poulet, du chorizo, du lard, des fruits de mer, de l’ail, des carottes, de l’huile d’olive et, très important, du vin blanc.

On vous laisse le mot de la fin?

Je remercie toutes les personnes et les associations qui m’ont soutenu et qui m’ont aidé, à obtenir mes papiers et à m’établir au Luxembourg.


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