FRANCE: Pas d’alternative à l’alternative

Avec le remaniement ministériel en France, le gouvernement affiche enfin ouvertement sa couleur. Le moment pour la gauche non libérale de s’unifier.

(© Philippe Grangeaud / Solfé Communication)

« Je donne raison à Montebourg en ce qui concerne l’austérité », a déclaré Etienne Schneider dans « Le Quotidien » du 26 août. « Le gouvernement juge-t-il opportun que le ministre de l’Economie, en prenant position dans le débat opposant M. Montebourg à MM. Hollande et Valls, s’immisce directement dans les affaires de politique intérieure d’un autre pays européen ? », a demandé le député CSV Laurent Mosar dans une question parlementaire.

Que s’est-il passé ? Arnaud Montebourg, ministre de l`Economie et figure emblématique de la gauche du Parti socialiste, avait osé déclarer dans une interview que des alternatives à la politique d’austérité menée par son gouvernement existaient. Benoît Hamon, ministre de l’Education, l’avait publiquement soutenu. Raison suffisante pour le Premier ministre Manuel Valls pour dissoudre son gouvernement et mettre chaque ministre devant un choix : suivre la ligne économique du gouvernement sans hésitation ou quitter son poste. Arnaud Montebourg a préféré quitter son ministère, Benoît Hamon et la ministre de la Culture Aurélie Filippetti l’ont suivi.

Désormais, le gouvernement socialiste n’est plus un gouvernement de gauche et il ne s’en cache pas.

Parmi les trois ministres qui les remplacent, une nomination a semé la fureur au sein de la gauche française : celle d’Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires de la banque Rothschild et conseiller présidentiel, est promu ministre de l’Economie. Un choix symbolique pour un président qui, en pleine campagne électorale, avait déclaré : « Mon adversaire, c’est la finance. »

S’il était important pour Manuel Valls, critiqué au sein de la gauche pour sa ligne économique néolibérale et ses sorties sécuritaires et xénophobes, de prouver son autorité, ce l’était tout autant pour la gauche de son parti : désormais, le gouvernement socialiste n’est plus un gouvernement de gauche et il ne s’en cache pas. Les derniers résidus de l’aile gauche, à l’exception de Christiane Taubira, ont été éliminés, l’austérité reste sacrée. Le Medef, principale organisation patronale française, s’est d’ailleurs félicité du remaniement. Le Parti socialiste est en train de suivre l’exemple de la social-démocratie européenne et de se rendre obsolète. Pas besoin de socialistes pour mener une politique de droite !

En revanche, le remaniement pourrait ouvrir la voie à une véritable alternative de gauche. Après la démission des ministres d’Europe Ecologie – Les Verts et de la gauche du PS, on pourrait imaginer un front commun anti-austérité, au sein duquel pourraient se retrouver tant les frondeurs socialistes que les écologistes, le Front de gauche – surtout après que Jean-Luc Mélenchon, entrave à une alliance de gauche aux yeux de certains, s’est retiré – et, pourquoi pas, la formation Nouvelle donne, récemment apparue dans le paysage politique. Quelques jours avant la dissolution du gouvernement, EELV avait lancé l’idée d’un candidat commun pour les présidentielles de 2017. Si Arnaud Montebourg a, dans le passé, eu des différends avec les écologistes, Cécile Duflot, ministre verte du Logement sous le gouvernement Ayrault et au centre des débats après la publication de son livre « De l`intérieur, voyage au pays de la désillusion », pourrait avoir le potentiel de rassembler la gauche non libérale.

Quoi qu’il en soit, le temps presse. Pendant que la « gauche » est en train de se décrédibiliser et d’amener le pays au bord du gouffre, tandis que la droite traditionnelle se décompose sous l’effet des enquêtes et révélations qui la ciblent, le Front national progresse. Désormais, toute autre chose qu’une qualification de Marine Le Pen pour le second tour en 2017 serait étonnante. Si le PS n’effectue pas un revirement dramatique, si la « vraie gauche » n’arrive pas à s’allier, qui pourra stopper la leader frontiste ?

L’arrivée au pouvoir du FN, qui souhaite la fermeture des frontières et envisage la sortie de la France de l’euro aurait certainement des répercussions sur le Luxembourg. En ce sens, le soutien d’Etienne Schneider à Arnaud Montebourg semble plus qu’« opportun ».


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