SCULPTURES: Thrashed People

Les « Trash People » de HA Schult tiendront encore compagnie à la grande-duchesse Charlotte ce weekend – l’occasion de s’interroger sur notre mode de consommation et sur le business du recyclage.

« Trash People » – synergie entre art et éducation populaire.

HA Schult est un pionnier artistique à plusieurs points de vue. L’artiste, né en 1939 et qui a grandi dans les ruines de Berlin, fut un des premiers à intégrer la conscience écologique dans ses concepts artistiques. Et cela bien avant que le mainstream ne s’y mette. D’autant plus qu’il a aussi été à l’avant-garde en ce qui concerne ses formes d’expression. Ses « Trash People », qui séjournent en ce moment place Clairefontaine à Luxembourg-ville, en sont un exemple parfait : mélange entre happening, appel à la conscience écologique et business artistique. Car cela fait 18 ans que les « Trash People » sont en voyage permanent et sillonnent la planète. Ainsi, ces figures mesurant 1,80 mètre de haut et composées essentiellement de matériaux recyclés et de colle industrielle ont déjà fait escale devant les pyramides de Gizeh, sur la Grande Muraille de Chine, sur la place Rouge à Moscou ou la piazza San Marco à Venise. En tout, mille sculptures voyagent et mille autres sont disponibles à la vente. Comme concept de valorisation des déchets, on a vu pire…

Mais il faut dire que, dès ses débuts, HA Schult s’est inspiré du pop art et du happening, bien avant la banalisation de ces courants artistiques. Deux choses sont remarquables dans son parcours : ses amitiés artistiques et ses choix économiques. Etudiant à la Kunstakademie Düsseldorf au début des années 1960, il y côtoie entre autres les peintres Sigmar Polke et Gerhard Richter. Mais au lieu de poursuivre sa carrière dans les galeries et les musées, Schult se tourne vers les banques et les grandes firmes pour lesquelles il travaillera en tant qu’« art director » jusqu’à 1967. Après cela vient sa période munichoise, au cours de laquelle il sera – entre autres – chauffeur de taxi. La décennie suivante, il essaiera de réaliser le rêve américain et s’installera à New York jusqu’en 1986. Pourtant, son passage aux States sera un bide, malgré quelques actions spectaculaires, comme l’action « Crash » pour laquelle il avait payé un pilote pour écraser son Cessna sur un dépôt d’ordures à Staten Island – une performance montrée en direct par satellite à la Documenta de Kassel en 1977. Rétrospectivement, Schult explique ses difficultés outre-Atlantique par « la mentalité de consommation des Américains » – une attitude que son art critiquerait en permanence.

Ce n’est qu’après son retour sur le Vieux Continent que sa carrière commence vraiment à présenter une certaine dynamique, au prix d’actions spectaculaires comme la fameuse « Flügelauto » – une voiture dorée surmontée d’une paire d’ailes – sur le toit du musée de la ville de Cologne ou encore « Trees for Peace » – où Schult a décoré des centaines d’arbres de voeux pacifiques.

On le voit, les actions de l’artiste misent avant tout sur l’interaction avec le grand public et sur la réaction de ce dernier. Ce qui explique peut-être aussi pourquoi ses « Trash People » ont bénéficié pour leur étape au grand-duché du double appui du ministère de la Culture et de celui de l’Ecologie. Une belle synergie : un peu d’art et un peu d’éducation populaire. Ce qui explique peut-être aussi le geste des vandales qui ont renversé quelques-unes des sculptures le weekend dernier – ce qui est d’ailleurs aussi une première : même sur la place Rouge, aucune des statues n’avait été attaquée ! Car avec le temps la vieille rengaine de la mauvaise conscience écologique a perdu de sa pertinence, puisqu’elle n’est jamais suivie d’une composante sociale. Finalement, les « Trash People », malgré le petit reste d’avant-garde qui leur colle encore à la peau, ont plutôt mal vieilli.

Sur la place Clairefontaine, encore jusqu’à ce dimanche 14 septembre.


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