CARICATURE: M’accorderez-vous cette danse ?

Le couple franco-allemand n’est peut-être plus le moteur de l’Europe, alors que la balance de l’Union semble pencher vers d’autres combinaisons et que l’euroscepticisme progresse dans les deux pays. Son importance historique est néanmoins évoquée dans une exposition de caricatures, qui nous invite à nous interroger sur nos préjugés.

Illustration : « Marianne et Germania ou la grande valse de la réconciliation », par Tomi Ungerer.

« Alors, euro ? », susurre une Angela Merkel détendue, allongée au côté d’un Nicolas Sarkozy qui s’est « [donné] jusqu’au bout », selon la légende de ce dessin de Delambre pour « Le Canard enchaîné ». C’est donc à une histoire d’amour – quelquefois vache – que nous convie l’exposition « Paarlauf – Pas de deux », en retraçant à travers une centaine de dessins de presse la relation franco-allemande depuis l’après-guerre. Une relation faite de « couples » connus en général au-delà des deux rives du Rhin : de Gaulle-Adenauer, Kohl-Mitterrand et les récents Merkel-Sarkozy ou Merkel-Hollande se taillent la part de l’aigle – ou du coq – dans le cloître de l’abbaye de Neumünster. Les relations peut-être plus froides des périodes Brandt-
Pompidou ou Schröder-Chirac semblent avoir moins inspiré.

Déclinés à travers onze thèmes, les dessins utilisent les ficelles habituelles du genre : dimensions disproportionnées des personnages pour figurer la puissance ou l’insignifiance, costumes et produits traditionnels sans équivoque, animaux emblématiques… tout y passe, et le talent des dessinateurs opère, provoquant à coup sûr le sourire du visiteur. Certes, comme dans tout couple, on dénote un certain penchant pour la critique constamment dirigée contre les petites manies de l’autre : les Allemands asticotent les Français à propos de leur politique nucléaire et de leur arrogance, ceux-ci rétorquent en raillant le dogme monétaire et l’agressivité commerciale de leurs voisins. Bonne idée donc que celle de l’Institut Pierre Werner d’avoir ajouté un complément à l’exposition originelle, sous la forme de dessins issus de la presse belge, néerlandaise et luxembourgeoise. D’autant que les thèmes abordés par cette dernière partie permettent d’élargir le débat à l’Europe tout entière.

A mesure que l’on boucle le tour du cloître, l’enthousiasme initial s’émousse pourtant. Il manque quelque chose, mais quoi ? Et, au-delà d’épisodes déjà ressassés ou d’un amusement certes bénéfique dans un contexte politique européen morose, que nous apprennent vraiment ces dessins ? Soudain, l’étincelle : ces caricatures cinglantes et souvent éminemment drôles sont séparées de leur partenaire logique, l’article de journal. La simplicité parfois provocatrice du caricaturiste, qui accroche le lecteur, et la puissance des mots du journaliste, qui complexifie les enjeux, ne donnent leur pleine mesure que lorsqu’elles entrent en symbiose. En témoignent les rares planches où une partie de journal subsiste, qu’on s’empresse de lire avidement.

L’intérêt ressenti au début revient dès lors au galop. A la réflexion, le simplisme apparent de ces images nous conduit à penser que les peuples allemand et français sont bien plus divers que les attitudes prévisibles de leurs dirigeants politiques, même croquées par des artistes talentueux. Oui, ces caricatures nous invitent à questionner les préjugés et les clichés qui obstruent notre vision du monde, et pas seulement de l’Allemagne ou de la France. Cette leçon vaut bien une visite, sans doute.

Dans le cloître de Neimënster, jusqu’au 19 octobre.


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